Cette année, Nouvelle Vague fête ses quinze ans. Le groupe a d’ailleurs fait un brillant concert la semaine dernière au Café de la Danse et avait un cadeau pour son public. En première partie était programmé Pierre Daven-Keller accompagné des Biche. Ce quatuor a joué à la perfection les morceaux de Kino Music, une bande originale de film… sans film car ce dernier n’existe pas.
Avant de parler de Kino Music, je voudrais parler de Ramdam, ton premier album. Il a pile vingt ans cette année
Pierre Daven-Keller : Mince, c’est vrai. Tu le connais ?
Discographie
Pierre Daven-KellerOui. Tu le perçois comment aujourd’hui ?
Je ne l’aime pas trop. C’est un disque un peu prétentieux. Je sentais, la dernière fois que je l’ai écouté, qu’il y avait une volonté de montrer tout ce que je savais faire. C’est un peu trop démonstratif. On sent aussi que c’est le disque d’un jeune homme qui ne maîtrise pas tout et qui se cherche. C’est un premier disque. J’ai un ami qui dit qu’il faut faire un certain nombre de mauvais titres pour en faire de meilleur. C’est le cas de Ramdam. Il a fallu faire ce disque pour en faire de meilleurs. Ramdam veut dire bazar : le titre résume bien l’album. Je ne le renie pas, j’aime bien mes faiblesses.
Et reconnais-tu le jeune homme qui figure sur la pochette du disque ?
Je pense que la photographie de la pochette de Ramdam résume l’état d’esprit de cette époque : le flou et la recherche. On se fait souvent dépasser par son inconscient. Je voulais me montrer sans me montrer. Sur Kino Music, je me montre plus…
Comme la photographie de la pochette.
Au début la pochette devait être juste une pochette graphique, jaune et noire. C’est Marc Collin qui m’a encouragé à mettre une photographie. Je n’y avais pas songé… Je ne suis pas un grand fan de photographie et je ne me trouve pas très photogénique. Je me préfère en vidéo. On a fait la photographie dans le studio où on a enregistré Kino Music. La photographe, Juliette Abitbol, m’a demande de me mettre pieds nus. Elle m’a proposé ça de manière improvisée. Je me reconnais dans cette photographie car je suis toujours pieds nus chez moi.
Et pourquoi avoir utilisé le jaune et le noir ?
Ce n’est pas de mon fait. C’est le graphiste, Rémy Poncet (Brest Brest Brest) qui a choisi les couleurs. Sur la foi des démos, il m’a proposé cette belle pochette. Il y a un côté Blue Note. Kino Music fait écho et assume à certaines références. Il fallait donc que la pochette soit aussi référencée. J’aime parfois le côté cliché.
Où a été enregistré Kino Music ?
Dans deux studios. Tous les instruments principaux et la rythmique ont été enregistrés aux studios Midi Live de Villetaneuse. Il s’agit des anciens studios Vogue. Il est resté dans son jus. Je voulais un son très 70. C’était le studio idéal.
Nous avons été une journée à Sofia pour faire les cordes. J’aime la salle de prise où travaille l’orchestre. C’est une vieille salle stalinienne des années 20. Le son y est très boisé.
En écoutant Kino Music, j’ai pensé à une phrase de Bertrand Burgalat. Il m’expliquait « être en colère » contre les producteurs de disque qui préfère acheter les droits de chansons existantes plutôt que de faire travailler des musiciens… Cette pochette, très voyante, est là pour dire que tu existes
C’est un peu ça. Tu as raison sur un point : je voulais faire un disque instrumental car je traversais un moment personnel difficile. Je voulais un disque instrumental, facile à écouter et qui soit connecté au cinéma. Je fais partie de ces gens qui pense que la musique de film doit être une musique autonome. Elle doit pouvoir fonctionner sans le film auquel elle est rattachée. Elle doit être comme un acteur du film. Si tu as Catherine Deneuve dans ton film, tu ne vas pas lui demander de jouer comme Delphine Seyrig. C’est pareil pour les musiques de film.
Je suis d’accord avec Bertrand. Il y a un autre problème : le manque d’argent. On consacre, je crois, 1% du budget du film à la musique. Ou peut-être 1,5%. Il y a donc très peu de moyens. Et certains réalisateurs montent de la musique pré-existante sur leur film et convoque un compositeur pour se rapprocher de ce qu’ils ont mis. Ce n’est pas la bonne méthode. Ce n’est pas pour faire vieux con mais autrefois Truffaut ne faisait pas ça avec Delerue. Il appelait Delerue car il aimait ses compositions. Truffaut validait les thèmes et le compositeur travaillait seul.
J’ai donc fait Kino Music seul. Je devance l’appel… Elle fonctionne seule et fait un bel objet. J’aimerais que ces morceaux se retrouvent sur des films. J’ai eu ma liberté. J’ai tendance à penser que la musique va se diriger vers ce système : le musicien propose et le réalisateur se sert.
C’est un album que tu joues sur scène. Tu as ouvert pour Nouvelle Vague il y a quelques jours et tu étais accompagné de Biche…
Les Biche sont venus me chercher. Ils ont entendu le disque chez des amis en commun. Ils aiment accompagner des gens sur des projets. Je ne pensais pas le défendre sur scène… On a donc fait deux concerts, un au Silencio et un au Café de La Danse. J’ai pris beaucoup de plaisir. Je n’avais pas fait de concert depuis quinze ans. J’ai adoré jouer de mon instrument (la basse) et c’est très rafraîchissant de se retrouver sur scène avec des gars qui ont vingt ans de moins que toi. J’aimerais bien en refaire.
Kino Music est aussi une histoire de femmes…
J’avais envie, même si je ne voulais pas de chansons, d’une présence humaine. J’ai tout de suite pensé à inviter quelques personnes. Il fallait avoir du relief. J’aime les disques qui ont du relief, qui s’écoutent comme une radio.
Top 5 Pierre Daven-Keller
- Ton disque préféré de 2019 ?
- Le disque que tu attends le plus ?
- Ta bande originale de film préférée ?
- Le producteur de tes rêves ?
- Le groupe disparu que tu aurais aimé produire ?
J’ai beaucoup aimé Apollo XXI de Steve Lacy.
Le prochain Beck.
C’est très difficile à dire… J’aurais tendance à répondre Morricone. Peut-être Le Bon, La Brute et Le Truand. J’aime beaucoup celle du Clan des Siciliens ou La Donna Invisibile.
J’aime produire… Je peux te citer des producteurs que j’aime beaucoup. Nigel Godrich, Bertrand Burgalat et Nicolas Godin…
Je ne sais pas. Je vais répondre Clair. Je produis en ce moment cette chanteuse avec Philippe Katerine. Elle chante sur son disque d’ailleurs.
Kino Music de Pierre Daven-Keller est disponible chez Kwaidan Records.
La pochette du disque est signée Rémy Poncet.
- Champ Magnétique
- Corniche Kennedy
- Melancholia
- La Fiancée de l'Atome (feat. Helena Noguerra)
- Intermezzo Retro
- Dakota Jim
- Jerk (feat. Claire Tilier)
- Daiquiri
- Salvaje Corazon (feat. Arielle Dombasle)
- Farfisa
- Sirocco
- Totoo Totem (feat. Helena Noguerra)
- Easy Tempo
- Cuore Selvaggio (feat. Arielle Dombasle)