Photographier des musiciens a toujours été une évidence. » peut on lire dans les premières pages de ton livre. Est-ce que photographier, tout simplement, était une évidence ? Est-ce que la jeune Delphine Ghosarossian se voyait photographe ?
Delphine Ghosarossian : Pas du tout, à la base je faisais de la peinture, j’ai suivi des études d’arts plastiques à La Sorbonne. La photographie est entrée dans ma vie dans un deuxième temps, j’apprenais la théorie à l’Université et parallèlement j’assistais des photographes pour apprendre le métier sur le terrain.
Tu utilises un seul boitier, un Mamiya 6×7. Pourquoi n’utiliser qu’un seul boitier ?
En argentique, je n’utilise que lui car il correspond aux images que j’ai envie de donner, il me semble idéal dans ma vision du portrait. J’utilise aussi du numérique pour travailler rapidement au quotidien.
Quelle est l’histoire de ton boîtier ? Où l’as-tu acheté ? Quelles relations entretiens-tu avec lui ?
Le premier, je l’ai acheté à Paris il y a une quinzaine d’année c’était mon premier moyen format, depuis j’ai racheté le même boitier à New York il y a 7 ans. Il est très important pour moi, c’est comme un meilleur ami qui me suit sur chaque séance photo.
Tu te rappelles de ton premier shooting « pro » ? Tu peux m’en parler un petit peu ?
Oui très bien. Mon premier vrai contrat était pour le cinéma, je faisais des « photos peintures » que l’on voit à l’écran pour un film de Richard Berry, La boite noire avec Marion Cotillard. J’avais 20 ans c’était merveilleux de se retrouver sur ce genre de projet.
Tu es directive avec les musiciens ? Comment se passe une photographie avec Delphine Ghosarossian ?
Absolument pas, quand je dirige, c’est juste des détails, la position d’une main ou d’un regard mais j’aime les laisser dans leurs pensées, leurs rêves… Mon approche est vraiment dans la douceur.
C’est une première pour moi… Je vois des musiciens invités à parler de leur relation à la photographie. Pourquoi as-tu voulu leur laisser la parole ?
Je ne voulais pas faire un simple livre de portraits, j’avais envie de faire plus un carnet où les artistes ont la possibilité de répondre de participer dans un dialogue, un échange. Afin que l’on comprenne aussi leurs points de vue sur la séance photo, sur les relations extraites qui peuvent coexister entre le monde du son et celui de l’image.
Edwyn Collins
Edwyn Collins était une commande du magazine Vox Pop, c’était un beau cadeau que Mathieu Zazzo et Samuel Kirzemblaum me faisaient en me proposant ce portrait.
L’idée était de le photographier avec son épouse Grace. Je lui ai retrouvé dans un grand hôtel parisien, je n’ai pas eu énormément de temps mais c’était une très belle rencontre car ils étaient très gentils et généreux.
Brett Anderson
Je voulais le photographier depuis longtemps car j’aime beaucoup sa musique. Quelques mois avant j’avais eu la chance de rencontrer Bernard Butler que j’avais démarché pour mon livre, c’était une rencontre merveilleuse dans un parc de Londres.
Pour Brett, j’ai réussi à me greffer à son agenda de promo lorsqu’il est venu à Paris. La journée presse se déroulait à l hôtel Grand Amour mais à ce moment là il était en travaux, j’aimais bien les reflets des bâches de protection. Ça me faisait penser à des rideaux de théâtre j’ai eu envie de le positionner dans cet univers.
Philippe Katerine
Il y a quelques années j’ai eu la chance de photographier Philippe Katerine. Je savais que mon ami graphiste Michael, alias Le Grand Garçon, l’aimait beaucoup, du coup je lui ai proposé de m’assister sur la séance. Michael est un graphiste très talentueux, c’est lui qui a fait tout le graphisme du livre. C’était l’époque de la chanson La banane. Avant la séance, pour rigoler, on avait récupéré une banane et on s’était dit qu’on verrait ce qu’on en ferait une fois sur place, sans trop de conviction. Mais au final, on a fait avec Katerine une image en hommage à Warhol et au Velvet Underground.
L’image est argentique, mais la banane est colorisée numériquement par Michael. J’aime beaucoup cette image car c’est la première fois que la couleur s’est introduite dans mes portraits noir et blanc. J’aime l’importance que prend cet accessoire dans l’image.
Faces of Sound de Delphine Ghosarossian sera disponible le 22 novembre 2019.