Bilan d’étape pour December Square. Quelques semaines avant la sortie de Run Run Run d’Emily Loizeau, il est apparu nécessaire de faire le point avec deux membres de cette maison de musique qui fait uniquement dans le beau. Alors que le sort des artistes dépend uniquement du bon vouloir des algorithmes de Spotify & co, quelques flibustiers ont décidé de faire les choses à contre-courant, se concentrant sur les choses essentielles d’un disque : ses chansons et ses pochettes.
En moins de deux ans, ce label a réussi à construire une identité visuelle et graphique tout en s’ouvrant au grand public. Les choses devraient s’accélérer avec ses prochaines sorties. En attendant la rentrée 2020 et les Strawberry Seas, voici un entretien avec Pascal Blua, directeur artistique et graphiste du label et Pierre Welsh, un des fondateurs du label et membre des OAKS.
Quel bilan tirez-vous de ces deux premières années ?
Pierre Welsh : Le 18 Mai 2018, à l’occasion de la Release Party de Oaks, nous annoncions le projet de création du label December Square, qui ne vit le jour juridiquement qu’à l’automne 2018.
D’un point de vue artistique, nous sommes très heureux d’avoir pu faire exister dès 2019 quatre très beaux albums, Partitions d’Orouni, La Disparition d’Everett Ruess d’Emmanuel Tellier, The Birmingham Poets de Matthew Edwards and the Unfortunates, et Out of the Dark de Magon. Auxquels il faut ajouter L’ombre du Zèbre, EP live de Oaks et Some Places, single de Sévigné.
Aujourd’hui, l’équipe du label est en place et nous avons pu organiser trois concerts à Paris et en province mettant sur scène plusieurs artistes du label, ce qui donnent une belle incarnation de ce que December Square propose.
En 2020, en dépit de la situation créée par le COVID19, de très beaux projets vont voir le jour. Tout d’abord deux projets sélectionnés pour le Disquaire day du 20 juin prochain : l’album Run Run Run, superbe hommage d’Emily Loizeau à Lou Reed et un nouvel single d’Orouni avec deux relectures instrumentales inédites de Partitions. Ensuite, après un premier single prometteur, les jeunes et talentueux Strawberry Seas publieront leur premier album à l’automne et pour finir, le compositeur Christophe Menassier vient de nous rejoindre avec son fantastique premier album The Unknown Movie. Et nous savons d’ores et déjà que Magon est déjà bien avancé pour un prochain album, qui paraîtra sans doute début 2021 !
Pale Blue Eyes (feat. Julie – Anne Roth et Csba Palotaï)
Pascal Blua : Je suis très fier du chemin parcouru et des projets que nous avons réalisés en seulement deux ans, rappelons le ! Nous avons 9 artistes dans notre catalogue dont nous sommes très fiers ! Je crois que l’esprit de « Maison de Musique » auquel nous sommes très attachés est vraiment devenu une réalité. Nous échangeons beaucoup avec les artistes, nous construisons ensemble des projets, parfois à notre initiative, parfois suite à une idée ou une envie qu’ils partagent avec nous. Chacun s’investit dans le fonctionnement de la « Maison » dans la mesure du temps et des moyens qu’il peut y consacrer. J’essaye pour ma part d’être le chef d’orchestre de cet ensemble d’artistes !
Vous êtes (très) beaux et (très) jeunes. Mais vous avez connu la musique pendant les années 80 et surtout les années 90. Cela a été facile de s’adapter au marché actuel de la musique ?
Pierre Welsh : Oui et non. Oui, parce qu’il y a des choses qui ne changent pas : ce qui fait l’essence même de la création, du rapport de l’artiste à son œuvre, à son public. Le label indépendant permet de passer par des chemins de traverse qui répondent aux besoins d’un certain public et de certains artistes, c’était vrai dans les années 90 et ça le reste aujourd’hui.
Non, parce que le monde s’est considérablement digitalisé, et notamment dans la musique, et que la façon d’approcher la promotion et la distribution sont totalement différents. Les repères changent, le rapport à l’objet évolue, il faut donc intégrer ces évolutions sans pour autant perdre ce qui nous anime, faire exister des œuvres uniques, intègres, et qui correspondent à une certaine esthétique ; si nous sommes résolument tournés vers l’avenir et les technologies du 21ème siècle, tout ne repose pas pour autant sur la puissance des algorithmes ; nous croyons aussi en la valeur de l’objet, du visuel comme prolongement de l’œuvre, du livret qu’on aime parcourir, du travail bien fait, de l’indicible.
Notre ambition, c’est d’extraire pour nos artistes le meilleur des deux mondes.
Pascal Blua : Je pense que l’envie et la passion qui nous poussent reste la même quelle que soit l’époque. C’est la raison même de December Square de donner une existence et des moyens à cet état d’esprit. Mais, comme le souligne Pierre, sortir un disque dans les années 80/90 et sortir un disque maintenant, c’est vraiment autre chose. Nous gardons un attachement profond à « l’objet disque », tout en essayant de profiter des nouvelles technologies digitales de diffusion et de promotion de la musique. Je crois que nous sommes encore un peu à la frontière entre deux mondes et nous essayons de composer avec le meilleur des deux !
Vous déclariez dans l’interview donnée à Matthieu Dufour (Pop Cultures et Cie) pour le lancement de December Square : « En utilisant le terme de « Maison », nous avons souhaité mettre l’accent sur l’esprit créatif, artisanal et indépendant de notre démarche. Comme une maison de couture, nous souhaitons faire du sur-mesure pour chacun de nos artistes, s’adapter à nos ambitions communes, porter et soutenir des créations « originales », mais aussi créer des collections (de musiques instrumentales, d’albums thématiques, d’événements, etc.). » Vous êtes toujours d’accord avec cette définition ?
Pierre Welsh : Plus que jamais. Les artistes de notre Maison de Musique sont tous différents, et nous respectons cette singularité dans la façon de travailler leurs projets. Faire du sur-mesure reste notre marque de fabrique. L’album d’Emmanuel Tellier accompagnait la sortie d’un très beau film, La disparition d’Everett Ruess, notre dernière signature, Christophe Menassier, est un album instrumental, et le projet d’Emily Loizeau, Run Run Run, (qui sortira prochainement) est une œuvre à la fois musicale, poétique, visuelle et scénique. Ce qui n’empêche pas de sortir des albums dans la pure tradition rock, comme l’album de Magon. Le projet « Music for films » se poursuit, et d’autres « collections » se préparent.
Pascal Blua : Absolument d’accord ! Je reste intimement persuadé que la singularité et la personnalité d’un projet constituent en grande partie sa « valeur » intrinsèque. Toute tentative d’uniformisation ou de lissage va à l’inverse de son essence même. Associer la philosophie de December Square au fonctionnement d’une maison de couture est de mon point de vue un acte militant : valoriser au mieux le talent et la singularité d’un projet pour lui donner la meilleure visibilité possible.
Quelles sont vos plus grandes fiertés en ce qui concerne DS ? Et votre plus grande déception ?
Pierre Welsh : Notre plus grande fierté, c’est la qualité des artistes qui nous font confiance, et notre contribution à l’existence de leurs œuvres. Notre plus grande déception, c’est de ne pas pouvoir les faire vivre sur scène, compte tenu de la situation sanitaire. Les tournées annulées, les spectacles de sortie reportés sans aucune visibilité. Le live est un constituant important de notre label et des artistes qui en font partie. C’est un coup dur, comme pour beaucoup d’autres acteurs de la vie artistique. Mais nous restons confiants.
Pascal Blua : Ma plus grande fierté est sans doute le respect absolu que nous avons pour les artistes avec lesquels nous travaillons. Tous les projets de December Square sont des projets portés par les artistes pour lesquels notre rôle a été de trouver ce que nous pensions être le meilleur pour eux. D’un point de vue personnel, ma plus grande déception est que l’album de Matthew Edwards n’ait pas trouvé le public qu’il méritait… Je suis quasi sûr qu’on le redécouvrira dans quelques années en se demandant comment un tel album a pu passer inaperçu !
La prochaine sortie de DS sera le disque des Strawberry Seas… Vous pouvez nous en dire un peu plus sur ce groupe ?
Pascal Blua : C’est par l’intermédiaire de notre ami Antoine Chaperon, musicien au sein de The Apartments que nous avons fait la connaissance des Strawberry Seas. Nous avons découvert le groupe sur scène lors d’un concert au Supersonic à Paris et leur univers, qui mélange avec brio l’indie-rock américaine et les audaces sonores d’outre-manche, nous a immédiatement séduit. Un groupe d’ici (ils sont de Tours) avec la tête au delà des océans !
https://www.youtube.com/watch?v=KGUgnfJfyzI
La photographie d’Emily Loizeau est signée Gilles Vidal.
Les visuels du label sont signés Pascal Blua.
Retrouvez tout le catalogue et suivez toute l’actualité du label sur le site officiel de DS.