Quel luxe de pouvoir écouter deux soirs de suite The National a du se dire le public ravi du théâtre antique de Fourvière après l’énorme soirée Brooklyn de la veille. Certes c’est l’iguane Iggy et ses Stooges qui ont pétaradé le jour de la fête nationale française, mais c’est bien à un National anthem (on t’aime ?) auquel on a eu droit ce 13 juillet alors que le soleil couchant dardait les vieilles pierres de ce magnifique lieu. Tous les artistes l’affirment, jouer aux Nuits de Fourvière est un privilège, peut être à cause aussi du catering réputé et The National, emmené par un Matt Berniger grand amateur de Mâcon sur scène ne dira pas le contraire en ayant pu agréablement doubler la mise. Leur concert de la veille avait du, à cause du plateau conséquent être plus ramassé, la set list de ce soir permit donc au groupe qui se dit être un moteur diesel de prendre davantage possession de ce lieu féerique qui se métamorphosa progressivement avec la tombée de la nuit.
Le concert commença donc tout en douceur avec Runaway, « I’ll swallow the shine of the sun […] cause I won’t run, no, I won’t be a runaway… » susurre sensuellement, fiévreusement Matt de sa voix de Méphistophélès sur un lit d’arpège de guitare et une trompette cristalline. Le dernier album High Violet est à l’honneur en ce début de set puisque suivent Anyone ghost avec une nouvelle Telecaster pour Bryce Dessner achetée le jour même à Lyon et Bloodbuzz Ohio avec sa poésie lyrique aux images puissantes, « I was carried to Ohio in a swarm of bees » et à la pâte sonore riche qui monte en puissance pour vous envelopper totalement.
La tension monte d’un cran avec un Baby we’ll be fine incandescent, Matt implorant le pardon entre deux gorgées de jus de raisin avec sa litanie I’m so sorry for everything. Batterie et violon reprennent le dessus quand commence Squalor Victoria mais Afraid of everyone qui suit emporte tout avec son beat hypnotique, ses images fulgurantes, « I’ll defend my family with my orange umbrella », des paroles autistiquement paranoïaques et des guitares saturées en apothéose. Surgit alors une vieillerie dixit les frères Dessner un Available encore valable qui figure sur Sad Songs for Dirty Lovers leur second disque.
Le concert semble prendre son rythme de croisière, Matt finit un autre flacon et enchaîne habité Little Faith, Conversation 16, Apartment Story, Geese of Berveley Road et un Abel au bord de la rupture, Il se fracasse les phalanges les unes contre les autres tout en arpentant frénétiquement chaque parcelle de la scène, hurlant son My mind’s not right à la lune. Hallucinant de voir ce petit bonhomme aux allures de clergyman se métamorphoser de la sorte. Green Gloves plus acoustique calme la furie, Matt rêvant de devenir autre, « Get inside their heads, love their loves ». Un England lyrique et un Mr November en communion avec un public scandant « I won’t fuck us over, I’m Mr. November, I’m Mr. November, I won’t fuck us over » terminent le set.
Le groupe revient rapidement avec deux titres en rappel, les notes du piano égrènent le début de Fake Empire, on sent l’audience frissonner et quand monte le refrain, ceux qui étaient assis se sont levés, la trompette et le trombone s’époumonent, « Turn the light out say goodnight » chante Matt mais on ne veut pas les laisser là. Ils entonnent alors un Terrible Love fiévreux, exalté, halluciné… « Company, It’s quiet company », on ne sait qui tient compagnie à qui et le public a du mal à les voir quitter la scène après un dernier remerciement aux Nuits de Fourvière.
Vampire WeekendVampire Weekend entre alors sur scène et l’on a l’impression d’avoir aussitôt traversé l’Atlantique mais non pas pour aborder à New York City mais plutôt en Afrique en passant par les Caraïbes. Les quatre de Columbia vont alors jouer quasiment tout leur répertoire, 10 titres sur 11 du premier disque et 9 sur 10 de Contra sorti cette année soit une sacrée collection de bombinettes pop ultra efficaces dans le genre qu’ils qualifient eux même d’Upper West Side Soweto. Ezra Koenig jongle avec sa voix, vocalise pendant que Rostam Batmanglij danse sur ses claviers et que les Chris martèlent les rythmes à la basse et à la batterie. Ils enfilent les tubes comme des perles, Holiday, White Sky, Cap Cod Kwassa Kwassa, I Stand Corrected, le très vénitien M79 et son intro de violons synthétiques, Bryn, California English et sa voix modifiée hullulante, le sautillant Cousins et son riff rieur de guitare. La fosse est exsangue, sue à grosses goûtes à force de chavirer en tous sens, Ezra prend alors une toute petite voix pour susurrer Taxi cab pendant que Rostam Batmanglij fait des arpèges.
L’accalmie est de courte durée puisque le chaloupé Run vient réveiller les ardeurs du public qui rivalise avec Ezra en donnant de la voix sur le refrain de One (Blake’s Got A New Face). Suivent le très chaloupé Diplomat’s son, Giving up the gun sans joueuses de tennis survoltées et qui ne fait pas rendre les armes bien au contraire puisque le groupe termine par un Campus frénétique et surtout un Oxford Coma enflammé.
Une pluie de coussins s’abat alors sur la scène et les quatre new yorkais ne tardent pas à revenir pour batailler avec le public comme le veut la tradition aux Nuits de Fourvière. Ils offrent alors en rappel une tournée générale d’Horchata désaltérante et finissent par nous mettre sur le toit avec un Mansard Roof de folie, tout le monde danse encore quand se clot Walcott et son invitation à se tirer loin du conformisme de Cap Cod, le dernier morceau de cette soirée ébouriffante.
Au final deux groupes très différents mais très complémentaires, les fiévreux et extatiques The National qui ont épaté la galerie (!) et les rafraîchissants et turbulents Vampire Weekend. Ce ne sont pas que les yeux de la jeune fille de la pochette de Contra, en fond de scène qui ont brillé ce soir, les deux groupes ont éclaboussé de leurs talents les Nuits de Fourvière faisant oublier une programmation musicale générale un peu trop variétoche franchouillarde.
wow, quel beau compte rendu de The National… ça donne des frissons… vivement novembre à Paris, je ne tiens plus !!!