La première journée qui affichait complet soit 25 000 personnes s’ouvrait avec un groupe régional, les lyonnais de PM’s Better, alors bien sûr on peut toujours faire « mieux » mais pour une première grande scène en ouverture d’un gros festival, ils ont fait le boulot,sautillant les uns prêts des autres comme pour se rassurer avant la sortie de leur premier album. Pas facile de tout donner en une petite demi-heure, c’est aussi ce qu’on du se dire les déjà très aguerris parisiens de Gush que l’on voit partout et c’est mérité ; leur flower pop aux harmonies vocales délicates a jailli sur la scène du lac, tous sur la même ligne pour signifier qu’ils ne forment qu’une seule entité sans leader ils ont dégainé leurs tubes imparables à faire se trémousser un cul de jatte issu de leur premier opus, de Let’s burn again à Dance on en passant par l’énorme Back home et une belle ballade au Vondelpark d’Amsterdam : une bien belle découverte pour ceux qui ne venaient que pour les têtes d’affiche.
Les premiers coups de soleil rougissaient déjà les visages et les nuques quand le rouquin Newton Faulkner seulement muni de ses dreadlocks et de sa guitare acoustique entame son set magnétique. Tout en sourire et plein d’humanisme, il surprend d’abord avec son picking d’enfer et montre qu’il n’est pas un manche, avec sa voix stratosphérique qu’il module comme sa guitare sèche qui peut se transformer en instrument stridulent et vrombissant à faire pâlir Hendrix. Il nous gratifie de sa traditionnelle version du Bohemian Rhapsodyde Queen et sa musique se métamorphose en joyeux bordel métissé.
Discographies
BB Brunes ★ Devendra Banhart ★ Gogol Bordello ★ Peter Doherty ★ Pony Pony Run Run ★ ZZ TopC’est à peine l’heure du goûter quand les 4 BB Brunes prennent d’assaut la scène devant un public conquis d’avance de jeunes filles en fleur, le t-shirt humide. Ils enchainent crânement les tubes de leurs deux albums de Dis moi à Nico Teen Love, c’est péchu, un bon moyen d’arriver à l’heure de l’apéro.
Surgit alors le dandy psyché Devandra Banhart mais en mode chemise hawaienne et moustache, soit entre Borat et Magnum. Il livre comme d’habitude un set foutraque, bien remis de sa jambe cassée en skateboard, avec principalement les titres de sa dernière galette What will We Be, c’est comme une récréation puisque c’est sa seule date en France avant une tournée aux USA.
Autre barnum bordélique, la prestation survoltée de Gogol Bordello et son Gipsy Punk des Balkans. Eugene Hütz (à ne pas confondre avec Fracis Kuntz !), et son rock imprégné de ses racines ukrainiennes illumine de son humanité la scène du lac, violon et accordéon déchainent les premiers slameurs du festival, c’est Tchernobyl dans le public chauffé à blanc qui hurle We Comin’ Rougher, c’est le premier gros coup de chaud de la journée, une musique transcontinentale et populaire, qui à Aix fait se rejoindre la montagne et le lac.
Mais la grosse attraction du jour (Bernard Lavillier parrain du festival était très attentif) était bien sûr la venue des légendaires vétérans texans de ZZ Top avec leur éternelles barbes, leurs guitares acérées et multicolores et leur batterie chopper. Le Reverend Willie G prouve qu’à 61 ans, il demeure l’un des grands guitaristes vivants, alternant blues, rock, boogie avec des soli imparables et improbables. Toutes l’imagerie du sud des USA est présente, les lunettes noires, les Stetson parfois remplacés par des chapeaux cloches de hobo apportés délicatement et divinement par deux accortes jeunes femmes contre 3 bises savoyardes, les drapeaux, les grosses cylindrées. Côté musique, les Tres hombres envoient du lourd avec des titres qui remontent à presque 40 ans, le public s’enflamme dès les premières paroles calibrées de Got Me Under Pressure : « She likes wearin’ lipstick, she likes French cuisine », Waitin’ for the Bus ou Jesus just left Chicago. le mur d’amplis Marshall explose quand résonne Cheap Sunglasses, la tension ne faiblit pas quand l’image gigantesque de Jimmy envahit l’écran et qu’ils entament Hey Joe ou quand le blues radical et énervé Brown Sugar datant du Fisrt album de 1971 déchire la dent du chat. La voix éraillée et rocailleuse de Billy Gibbons sur le rock endiablé Party on the patio rend loco le public et quand survient le rif intemporel de Gimme All Your Lovin’et que les deux lascars entament leur célèbre mano a mano guitaristique chorégraphié, c’est du délire. Ils ne lâchent pas l’affaire avec Sharp Dressed Man bien connue des fans de Guitar Hero et poursuivent avec le fantasme masculin par excellence, Legs et son « She’s got legs, she knows how to use them ». Le concert ne serait pas une réussite sans le rappel et la cultissime La Grange qui prend feu et brule tout sur son passage. Le public pouvait bien crier Have Mercy n’ont pas pour les supplier d’arrêter mais pour continuer et dire merci. Un qui a du remercier avec fierté le révérend Willie G, c’est un fabricant local de guitare, Lionel Cau qui a eu la divine surprise de vendre au célèbre barbu une guitare unique ouvragée par ses soins.
Après le passage du dragster ZZ Top, la Clio M déçoit. En pleine tournée triomphale, il propose un spectacle gentillet qui tient plus du centre aéré ou du baloche costumé que du concert pop. On nous rétorquera que Monsieur M. possède un univers mystérieux mais il dégouline de bons sentiments. C’est plan plan, bien rodé mais se taper 4 titres à rallonge du dernier album avant de souffrir immanquablement la comparaison avec le paternel avec une reprise laborieuse d’Hold up, on se dit que c’est le public qui se fait braquer. Est ce que c’est ça M. ? Des solo interminables de guitare, des déguisements de fête à neu neu, une musique gloubiboulga sur des paroles de fin de CM2 (le complexe du cornflakes) ou terriblement répétitives et nombrilistes (les mille et un jeux de mot avec la lettre M), n’est pas Boby Lapointe qui veut. Alors bien sûr ce n’est pas désagréable, on passe un bon moment comme dans un tour de manège ou au spectacle attendrissant de fin d’année du petit dernier, au final Machistador fait monter sur scène un môme, lui colle la guitare sur le dos pendant que sa majesté M. minaude et ventriloque : un concert familial donc !
Changement total d’univers avec l’arrivée Droopyesque de pistol Pete Doherty, le libéré des Libertines, plus connu pour ses frasques dans les tabloids (il a annulé il y a 10 jours un concert à Nice, hospitalisé une journée à Paris mais rapidement vu à la terrasse d’un café avec des fans) que pour la qualité de ses concerts. Et pourtant, quelle classe, quel contraste avec sa réputation sulfureuse ; chemise blanche, veste cintrée, chapeau de paille dont l’ombre mange son visage enfantin, seulement muni de sa 6 cordes acoustique, il touche, se met en danger, quasi à nu, sans pyrotechnie, projection d’images ou sono surdimensionnée. Alors bien sûr, c’est étrange dans le cadre d’un gros festival, le public familial déserte le site et Pete au final chante comme dans un club de sa voix cassée et titubante inimitable. Il alterne ses compositions solo, les très belles Arcady, Lady Don’t Fall Backwards ou Last Of The English Roses, les titres dépouillés des Libertines, What a Waster, Can’t Stand Me Now, Dilly Boys, ou Death on the Stairs ou ceux encore des Babyshambles avec Albion ou The Ballad Of Grimaldi. De temps en temps les fameuses danseuses en tutu divaguent éthérées sur la scène dans un ballet improvisé avec le drapeau de la perfide Albion pendant que Pete goute au vin local. On peut trouver cela simpliste ou plombant, mais la musique doit-elle être constamment un barnum ou un type seul avec sa bite et son couteau, pardon sa guitare et ses chansons peut-il suffire ? Doherty nous a en plus gratifié d’une version décapante du Psycho Killer des Talking Heads avec son célèbre « qu’est ce que c’est » en français montrant le bon goût du bonhomme et sa lucidité : « I can’t seem to face up to the facts, I’m tense and nervous and I can’t relax, I can’t sleep because my beds on fire, Dont touch me I’m a real live wire. »
Les Pony Pony Run Run allaient clore cette première soirée en beauté, avec leur tubes électro pop survitaminés et un light show à réveiller les morts. Seuls les plus braves continuaient à danser sur Hey you, Future Of A Nation ou 1997 (She Said It’s Alright). Et même s’il n’est pas facile de clore une journée de festival, les PPRR se sont aguéris au fil du nombre incroyable de dates ces dernières semaines (28 concerts en un mois) et font soulever un nuage de poussière final pendant que les bénévoles nettoient déjà les monceaux de cadavres de verres en plastique afin que la fête recommence le lendemain…