On aurait voulu que cela dure plus longtemps tant l’ambiance chaleureuse et le temps clément a transformé le site du festival Woodstower en petite place de village où il fait bon vivre loin des clameurs de la ville. Durant trois jours musique, théâtre, défilé, pique nique se sont mélangés de façon festive et complémentaire pour bien terminer l’été. Côté musique du bon et du moins bon, du banal et de l’original pour plaire aux aficionados des festivals comme aux béotiens.
Le vendredi faisait la part belle aux artistes étrangers avec les ‘providentiels’ The Low Anthem venus jouer leur folk crépusculaire et habitée, parfaite pour une fin de journée à l’heure de l’apéro avec une ambiance tantôt sombre pour pénétrer leur God Damned house ou faussement joyeuse avec le remède idéal de leur Apothecary. L’Americana n’a pas fini de nous dégoter des groupes incroyables de simplicité, d’harmonie et d’humilité.
Quand Arno monte sur scène, il impose tout de suite son personnage. Au moment où la Belgique se déchire, le barde belge rassemble, du rock entêtant en perpétuel mouvement aux chansons aux textes intimes et déculottés. Il chante en français, en anglais, en néerlandais. Il promène sa trogne de gangster et sa voix de Mephistophéles écorché sur la route, touchant au coeur avec Les Yeux de ma mère ou le récent Quelqu’un a touché ma femme, faisant taper du pied avec Black Dog Day. On est vendredi, Arno tient la forme et fracasse ses cymbales car évidemment, le Lundi on reste au lit !
Une semaine après la reformation tiroir caisse des Libertines et leur passage au festival de Reading, l’arcadien Doherty vient promener sa nonchalance et sa fragile morgue sur la grande scène de Woodstower. Toujours entouré de deux dodelinantes danseuses chichiteuses courtement vêtues sans doute pour se sentir moins seul. Il livre comme à son habitude un set acoustico-mélancolico-romantique dans le plus simple appareil, un petit polo bleu et sa six cordes sèche en bandoulière, sortant du bois Woodstower non pas en bucheron du rock mais en ébéniste de la ‘chanson d’amour brisée’… C’est doux, tendre, bancale avant le gros son d’Archive qui termine la soirée avec ses titres à rallonge, ses mélopées lancinantes, son côté Floydien du pauvre pas désagréable sur les premiers albums, un peu plus convenu sur les derniers, mais parfait pour clore la première journée d’un festival dans les dernières chaleurs de l’été, dans une torpeur coupée du monde citadin et de la rentrée.
Changement de décors le lendemain avec une soirée franco française à l’exception des furieux japonais chapotés satinés et scintillants du Tokyo Ska Paradise Orchestra qui ont joué malheureusement devant un public clairsemé en toute fin de programmation et qui auraient mérité de jouer plus tôt entre les artistes de variété Cherhal et Ruiz pour dynamiser la soirée. Heureusement, le tourangeot Boogers a dynamité la petite scène avec son bric à brac foutraque entre Rémy Bricka et Jason Little, avec des mélodies imparables à la Weezer (son déjà culte Lost my lung). En une demi chanson, il ratatine les deux sets réunis de Jeanne et d’Olivia, sympathiques mais atones, consensuels, sans aspérités. Bien sûr la section cuivre d’Olivia défouraille, mention spéciale comme d’habitude au tromboniste fantasque mais on a trop souvent l’impression d’entendre les mêmes arrangements. Et Cherhal déçoit, ses textes sont simplistes, la secte humaine qui l’accompagne fait un peu orchestre de baloche alors qu’avec Katerine c’était le feu et la reprise de Diam’s « que j’aurais aimé écrire… » est vraiment la boulette du concert. Mais Luke vient démontrer avec sa poésie engagée que la chanson française ne parle pas que de champignons et de chocolat. Thomas Boulard et ses acolytes livrent un set tendu, nerveux, fiévreux évoquant le fantôme de Noir Désir qui enregistre leur nouvel album et dont un florilège de chansons illustrées en BD sort en novembre. Une soirée agréable donc agrémentée des fantaisies amoureuses de Paco, chanteur de paix fraichement débarqué du Guatemala, poète du quotidien, pourfendeur de public et ambianceur gouailleur de festival.
Au final une édition ambitieuse et réussie de Woodstower, un accueil et une organisation irréprochables, peut être le festival qui manquait à Lyon.
merci pour ce report, à l’année prochaine !!!