Scène Pression Live
Et c’est justement ce que la scène Pression Live nous a proposé de faire pour la soirée du Jeudi 26, où le groupe d’electro-rock Success et son leader complètement retourné, et la pop décalée et franchement sympathique d’Elephanz tenaient l’affiche.
Rendez-vous était donné à midi à la gare d’Austerlitz. On arrivait avec un quart d’heure d’avance. Tout était prêt, les batteries chargées, matérielles et corporelles : On allait en avoir besoin. Du premier pied posé à la gare de Bourges à 17h jusqu’au taxi qui partait du festival le lendemain à 15h, on n’allait pas avoir une minute à soi. Dès l’arrivée dans le train, le ton était donné. C’était Sébastien, coordinateur de la scène Pression Live qui nous servirait de véritable maman, nounou et meilleur ami pour les quelques longues heures que nous aurions à passer ensemble, avec les très sympathiques chroniqueurs de Mad, Konbini, et Please. Après échanges des numéros de portable et découverte rapide de nos (superbes !) chambres d’hôtel, on pose le pied sur place, et déjà, on court. Il faut dire qu’on comprend très vite pourquoi le Printemps de Bourges est appelé « Printemps dans la ville. » Bien que le site soit raisonnablement étendu, il faut toujours cinq minutes de marche pour se rendre d’une scène à une autre, plus, dans le cas des extrêmes opposés. Autant dire qu’on regrettera très vite d’avoir oublié son enregistreur dans le backstage de la scène Pression lorsqu’on a une interview à mener au 22 Ouest, autre scène pas du tout localisée au même endroit que la première… Une erreur qu’on ne fera qu’une fois ! Le programme, bien qu’alléchant, est assez serré, si l’on veut se laisser le temps de se faire surprendre, et l’on devient un peu le Lapin d’Alice, durant ses deux jours. En retard, en retard…
Après une remise des passes Presse à l’espace Pro, on découvre la scène Pression, et par la même occasion, le manager d’Elephanz, jeune groupe nantais dont la musique nous a plaisamment chatouillé les oreilles, sur le côté de la scène qui les accueillera quatre heures plus tard. Il y a toujours le temps pour une interview, même quand on en manque. Et lorsqu’il s’agit de parler, John, chanteur guitariste et Maxime, choeurs et claviers parlent de tout, et assez étrangement de choses plutôt éloignées de leur style musical. On est venus à la chanson française assez tard, nous déclarent-ils, même Jacques Brel, on ne s’était jamais rendu compte qu’on avait à notre portée, juste sous la main, un type qui écrivait aussi bien. Ha les braves gens. Leur deux titres, Do you Like My song, et Stereo, ont été playlistés par Radio Nova et le Mouv, tout l’été dernier, et on comprend très vite pourquoi, au vu de la teneur ultra-tubesque des deux morceaux.
On est vraiment dans une idée de contact avec les radios, notre écriture est très inspirée par des hits, des singles un peu vieillots : on marche vraiment au 45 tours, on préfère rester dans l’art de « la » chanson.
Quand au nom du groupe, qui nous avait plutôt interloqué, notre intuition aura été juste : Elephanz, c’est à fond Gus Van Sant : on venait de regarder ce film qui nous était vraiment resté en tête… Pour le Z final, c’est un hommage à Gorillaz : au début, on ne voulait pas du tout apparaître sur nos chansons. John est dessinateur, mais le parti pris initial est finalement abandonné, faute de temps : cela donnera tout de même naissance à un clip assez déjanté sur Stereo. Elephanz ont cela pour eux qu’ils ne sont pas dupes de la portée commerciale de leurs chansons et des limites qu’elle peut leur imposer, dans le succès : une première idée du clip a été refusée par leur éditeur, il a dit : il nous faut un truc plus frais, il nous faut un truc pour l’été, coloré.. Il faut savoir que les clips ont une saison, rajoute le chanteur. Dans ce genre d’ascension, les décisions doivent être prises rapidement : A un moment, tu apprends qu’il faut déléguer, que tu ne peux pas tout faire, et que malheureusement, et heureusement, il faut faire confiance aux gens qui t’entourent, et à tes partenaires. Avec plus de temps, ça me plairait de faire tout, clairement, et j’admire beaucoup les artistes qui ont pu assumer toutes ces casquettes là. Mais ceci dit, c’est moi qui vais réaliser la pochette de l’album, je sévis encore sur ce poste là.
Coup de fil de Sébastien, Charles Robillard nous attend de retour en backstage : ce monsieur fort sympathique est l’un des créateurs du Printemps de Bourges. Devant lui, et son Pass rouge pointé deux fois (autorité sur le personnel), les portes s’ouvrent en grand, et nous le suivons à la découverte des lieux. Du Palais d’Auron qui se prépare à accueillir 1995 et Orelsan jusqu’à la scène 22, en passant par le stand Kronembourg où nous sont délivrés, (ho, joie), des pass Vip pour le bar, Charles Robillard entraîne tout son petit monde à sa suite et fourmille d’anecdotes et de bons mots. Une de ses collaboratrices nous glisse en passant qu’elle fait la même visite tous les ans, et qu’il n’a jamais dit deux fois la même chose. Vérité embellie ? On se laisserait presque tenter à le croire. Des scènes découvertes, il dit volontiers que C’est la programmation la plus intéressante, la plus pointue, la plus surprenante. C’est là qu’on fait des vraies découvertes, et c’est hyper passionnant.
Pris à part quelques minutes à la fin de la visite, il se confie sur ses quinze ans, et c’est un très joli moment : Mes vrais souvenirs de musique : je fais partie d’une génération qui a vu arriver le rock français qui bouleversait tout, et qui commençait à écouter le rock américain, et anglais, c’est le début des Stones… Vraiment, mes grands souvenirs, c’est les économies que je mettais de côté pour arriver à acheter un ou deux disques et qu’on passaient tellement qu’ils grésillaient : on mettait des pièces de monnaies sur le saphir pour appuyer, sinon ils sautaient, à force. Sweet sixties…
Podcast Printemps de Bourges 2012
Déjà, on repart pour le palais d’Auron, où Orelsan est attendu de pied ferme. Un registre de musique plutôt lointain du nôtre, mais finalement la conviction qu’il y a un regard à porter sur ce renouveau du rap français : « Finir Mal » est un énorme coup derrière la nuque, et on a du mal à s’arracher de la prestation rageuse et désabusée du rappeur. On s’éclipse toutefois et l’on abandonne pour la première fois le petit groupe, de retour à la scène Pression, Success termine une prestation électrique qui a enflammé le public. Comparé à un joyeux mix entre Dean Martin et Iggy Pop, Mister Eleganz, le frontman du groupe est aussi habité qu’on peut l’être. Sa voix allié au set nous rappelle certains côtés de Stuck In the Sound, sa rage électrique dans les aiguës, son jusqu’au-boutisme nerveux. Sorte de dandy décadent dans son costume en tweed, incapable de tenir en place, il gesticule derrière un grand poster de Jesus qu’il tient à bout de bras devant son visage : Nous sommes les quatre cavaliers de l’apocalypse, déclare-t-il, rigolard, pour les caméras de Pression. On n’a pas de mal à la croire.
Lorsque Elephanz monte sur scène, le public est déjà chauffé à blanc, et ils n’ont aucun mal à faire l’unanimité, à grands coups de riffs pop frais et enjoués. Les termes pourraient sonner réducteurs, péjoratifs : il n’en est rien. Il suffit de tendre l’oreille pour deviner une belle complexion dans les structures et le travail des claviers. A l’écoute du premier EP , Ideal Roommates, David Bowie nous avait sauté aux oreilles. C’était peut-être un peu trop évident, et l’on est heureux de se rendre compte que le groupe, avec leurs deux nouveaux titres, on su transcender leurs influences pour se créer un son propre. Du côté des petites surprises, en double jeu à la batterie, où s’éclipsant en coulisses pour revenir armé d’une trompette sur l’un des morceaux, le bassiste se ballade, visiblement ravi, et c’est une des fantaisies qui font qu’on se souvient d’un concert. On pourrait parler ici d’efficacité absolue, il n’y a pas à tortiller : « Do you like my song » est un tube absolu, trois jours plus tard, on la chante encore. Elephanz est actuellement en préparation de son premier album, et on sera les premiers sur le coup. Les scènes extérieures sont toujours plus difficiles à « chauffer », on ne s’avance pas trop avec ces lapalissades, pourtant, Elephanz laisse derrière lui un public conquis, en sueur malgré la pluie qui résonne autour de l’espace Pression. L’équipe m’a d’ailleurs rejoint entre temps, et tous sont du même avis : Voilà une programmation qui ne manquait pas de charme.
A l’initiative de notre cher papa Sébastien, nous nous dirigeons vers le 22 où je fais la formidable découverte Spector. La grandiloquence de The Killers dans les synthés de Joy Division : du bonheur à l’état pur.
On ne peut pas quitter le festival sans passer un petit moment au Magic Mirror, véritable after du festival dans son magnifique théâtre octogonal habillé de vitraux lumineux et de velours violets. J’y cours en compétition avec le rédacteur de MAD à la poursuite d’une jeune demoiselle du staff Jack Daniel, mais elle aussi insaisissable que le temps qui nous manque, et ça n’est pas peu dire.
Le lendemain, on ne dispose que de quelques heures pour terminer nos derniers concerts, et je choisis de me rendre, accompagné des Dalton chroniqueurs que nous sommes devenus au concert de Garciaphone. Grand bien m’en prend. Le folkeux qui nous avait déjà tant charmé a abandonné la formule solitaire pour s’entourer de deux barbus en cuir, respectivement batteur et bassiste, qui redynamisent la formule, et ajoutent une touche rock qui donne enfin toute l’ampleur nécessaire à la beauté de ses chansons. On ne se lasse toujours pas de Blanquets, ni de Tornadoes, et les nouvelles chansons qu’on ne connaissaient pas encore laissent à présager du tournant que prends petit à petit, à la manière d’un Syd Matters, le Clermontois. Il me semble être encore bercé par les accents timides de sa guitare folk alors que nous nous entassons une dernière fois dans un taxi, en direction de la gare. Après les embrassades, je regarde la jolie bande que nous avons formés s’éloigner le long du quai, et s’est finalement moi qui m’éloigne, emporté par le train qui lui non plus, ne veut pas s’arrêter.
Décidément, tout le monde est pris par le temps, par ici.
La musique, les interview, ça s’écoute aussi. Et c’est pour ça qu’on vous propose aussi un podcast des découvertes de Bourges, en jeu de miroir avec le live report. Téléchargez le, mettez vous sous votre couette, et chaussez votre casque : au programme, interview et écoute d’Elephanz, quelques sages paroles de Charles Robillard, une écoute de Garciaphone, de Spector, et une petite surprise finale de Monogrenade… C’est encore le meilleur moyen qu’on connaisse pour découvrir ce qu’il y a de neuf, et surtout ce qu’il y a de bon. Ce soir, vous avez quelqu’un dans votre lit. Nous.
Un très, très, grand merci à Sébastien Foulard, Sayuli Nishioka, et toute l’équipe de la scène Pression Live : on a passé un moment formidable, et c’était grâce à eux.