Quand on rencontre Bertrand Belin comme à Bourges au Printemps, on est impressionné par tant d’humilité. Bien sûr ce n’est pas un perdreau de l’année, il nous rappelait à cette occasion qu’il était venu dans la cité de Jacques Coeur il y a… 26 ans. Mais point de regrets, il avance, droit, sans être raide, mais avec pugnacité, davantage Ismaël que capitaine Achab à la proue du Pequob, chasseur du mot juste qu’il voit « comme des objets, qui ont un sens et aussi une musicalité » selon le journal Le Monde, mais qui permettent aussi de se noyer dans une profusion d’interprétations.
Bertrand Belin – Un Déluge
Discographie
Bertrand BelinL’écouter parler est tout aussi beau et intrigant que de l’écouter chanter ses titres mystérieux à la manière des nouvelles de Cortazar où l’on croit être là alors que nous sommes ailleurs. Quand on évoque son écriture littéraire, il proteste pudiquement : « je ne vais pas vers la poésie, c’est la poésie qui vient à moi. » Ses chansons sortent du classique format couplets / refrain, les phrases sont comme des poupées russes qui se découvrent, les mots se cognent, se complètent dans une architecture qui laisse à l’auditeur une extrême liberté. Il lance souvent « un mot sans environnement, pris isolément, tout bête, qui s’impose, on suppute qu’il doit y avoir une raison pour qu’il soit seul, du coup on le regarde et l’entend beaucoup mieux que s’il était noyé dans une phrase. » On est loin de la logorrhée de certains artistes, ces chansons souvent graves sont quasi nues et pourtant ouvrent vers des horizons infinis ou des situations dont on attend l’issue avec inquiétude.
Par exemple avec le single Le déluge, on pourrait deviner une histoire de rupture, les affres du couple. Mais Bertrand Belin opte pour une histoire de cache cache, « cela peut être une farce, tu es sur un chemin et le temps de cueillir un brin d’herbe, tu te retournes et il n’y a plus personne. Je vais te trouver tu ne peux pas être bien loin. J’ai écrit la chanson pour qu’elle soit perçue comme une simple scène de cache cache avec un souterrain assez sulfureux, comme dans le Shining de Kubrick où Nicholson cherche le gamin en lui disant « je vais te trouver » avec quelque chose de plus grave et dangereux derrière tout cela. Je n’aurais pas écrit cette chanson, si je n’étais pas mobilisé par cela. Tu peux aussi imaginer un sniper dans une ville en ruine qui sait qu’il reste encore du vivant et qui cherche et le déluge peut être de feu et de plomb. »
Bertrand Belin – Everybody’s Talkin’ (Froggy’s Session)
Quand on lui demande s’il ne serait pas attiré par des textes plus longs, nouvelles ou romans, il avance modeste, « Oui, écrire au plus long cours, dépasser la page d’écriture, bien sûr, je ne devrais pas le dire mai j’ai un besoin de volubilité ». Et ce besoin se ressent sur scène où il joue avec le public, lui parle, lui raconte des anecdotes drolatiques. « Je ne veux pas rester dans le silence, bon il faut aussi désamorcer des situations sur scène car les chansons sont parfois graves, j’ai cette pudeur qui avec quelques mots d’humour me fait redescendre un peu et puis aussi parce que le rire c’est une manifestation visible des réactions des gens et il n’y en a pas beaucoup finalement. Et l’on confond assez vite le grave avec autre chose alors que le rire non. »
Bertrand Belin – Vertige Horizontal | SK* Session
Voilà, Bertrand Belin c’est une voix de velours dans un gant de vélin, où l’écriture âpre qui pourrait paraître rogue s’appréhende sur scène. Et cela tombe bien puisqu’il sera en concert ce mardi au Trianon à Paris, ce vendredi à L’Epicerie Moderne à Feyzin et ailleurs en France.
Bertrand Belin – Parcs (album)