Un passage à Le Mouv
Car oui, je vous le dis mes tendres poussins, vous que la soif d’apprendre pousse chaque jour, enfants émerveillés que vous êtes derrière la flûte de mon savoir, vers ce temple de l’instruction musicale, oui, il y eut un temps où je ne pensais pas forcément devenir l’homme que je suis aujourd’hui. La tête pétrie de rêve telle la boule de farine entre les doigts experts de la vie, je divaguai, ivre de tous les futurs possibles qui s’offraient à moi, astronaute, pilote de course, empereur romain, expert comptable et j’en passe. Et même si je n’ai pas encore tout à fait abandonné mes envies d’envahir la Gaule et la moitié du monde civilisé, à force de passer la moitié de mon temps sous mes écouteurs (et je dis bien sous), et l’autre moitié au premier rang de fosses déchaînées, à sentir s’évanouir près de moi force pucelles conquises et foule de fans en délires, il s’est très vite avéré que je n’étais strictement bon à rien d’autre qu’à parler de musique.
Bon à rien donc, sauf peut-être à éternuer ces petites perles critiques et musicales dont je m’emploie quotidiennement, tel Sisyphe poussant son gros caillou jusqu’en haut de la montagne, à vous régaler les yeux. Et ce n’est donc pas un hasard si il y a quelques années, en allant fouiller dans le caniveau communal où l’on trouve tous les criminels, violeurs, drogués et autres chroniqueurs alimentant la bassesse de ce monde, Alain G., notre cher patron, aimé et adoré de tous me trouva, nu comme la justice et embrassant à pleine bouche un intégrale de Nick Drake. Il me sécha, m’habilla, et me donna un poste. Quelle joie mes amis, quelle joie que celle de pouvoir se regarder à nouveau dans un miroir sans rougir : J’étais devenu Chroniqueur, et pas des moindres, fier bras droit de la section Folk, genou gauche du site, pancréas de mes lecteurs. Période bénie.
Mais la vie, mes amis, facétieuse marionnettiste de nos âmes perdues, était loin d’en avoir fini avec moi. Car enfin, tel l’apollon du vingt-et-unième siècle penché sur son char de lumière, moi j’aime bien la radio.
Ha, la radio. Le frémissement d’anticipation à l’approche du direct, l’invitation phallique et amicale des micros tendrement posés à l’affut de la moindre de nos éructations, le doux chant des invités monocordes et insipides qui font à coup sur chuter les audiences, ça, ça c’est tentant. Alors imaginez donc ma joie lorsque, convoqué dans la piscine à bulles qui sert de bureau à Alain, j’apprenais, entre deux massages, que Le Mouv, oui, Ze Mouv voulait inviter Soul Kitchen dans une de ces émissions. Et pas des moindres ! Rodéo sur le Mouv’, dernière ambassadrice du bon goût dans l’hexagone, forteresse imprenable du talent musical, cocon soyeux et accueillants de millions d’auditeurs quotidiennement bercés par la force tranquille et l’impertinente douceur de son animateur, Christophe Crenel, Double C pour les intimes ! C’était le pied. The Colossal foot.
Après douze crises de paniques et cinq interventions sans rendez-vous chez mon médecin traitant, je décidais, que soyons fou, crac, j’allais accepter. Il le fallait. Après tout, le monde n’attendait plus que moi, il était temps d’agir et de briser les frontières de notre savoir. Adieu, l’impudent web ! Soul Kitchen allait débarquer dans vos oreilles, et il s’agissait de ne pas se louper. Je ne reviendrai pas sur la campagne de publicité nationale qui s’ensuivit, me placardant, tel un messie des temps modernes, dans tous les couloirs de métro. Ma gloire m’attendait.
Et qu’il fut long, le jour J, ce Rer C qui m’emmenait jusqu’à l’avenue du Président Kennedy, et vers la Maison de la Radio, lieu de toutes les exigences, Vhalalla de toutes les folies ! Bruyamment applaudi et encouragé par tous les usagers de la ligne, je checkais l’intégralité de la rame avant de sauter sur le quai. That was it. Le temple des ondes se dressait devant moi, invitant, réconfortant, presque amoureux.
Tel le junkie titubant vers sa seringue, je courus en zigzag jusqu’aux portes d’entrée et roulai sans attendre un énorme patin à l’agent de sécurité. Puis, me ruant dans les couloirs, je sautai frénétiquement sur trois attachés de presse, saluai huit machines à café, et fit irruption dans les studios de cinq émissions en direct pour y déclamer mon amour des voix, du son, et l’arrivée du messie tant attendu qui sauverait leurs âmes à tous. Et puis, enfin, je le vis, au fond du couloir sur la gauche, malicieusement dissimulé derrière un porte complice : Le studio 103. Dans mes oreilles résonnait un remix acid-techno de la Chevauchée des Walkyries. Rien ne m’arrêterait. D’un joyeux coup d’épaule, je fis sauter la porte de ses gonds, et après avoir relevé l’ingénieur du son sur laquelle elle était atterri, me ruait enfin à mon micro.
« Salut les copains, bienvenue sur Le Mouv, vous êtes avec François Pieretti et c’est parti pour cinq heures de musique live non stop ! »
La sécurité s’est montré charmante. Non vraiment, on croirait comme ça de prime abord que ces énormes types vous veulent du mal, mais premièrement leur local au troisième sous-sol est très cosy, et j’ai presque pu en sortir à temps pour arriver à l’heure.
Ensuite j’ai sué, bégayé, fondu en larmes pendant les coupures pubs et harcelé sexuellement Christophe Crénel pour qu’il me donne un poste. Sans succès. Tant pis, cet été, je fais ma demande de stage. Ça va saigner.
Emission Rodéo / Le Mouv’ avec Soul Kitchen
ndlr: archive supprimée du site le mouv…
Ça commence à partir de la soixantième minute, j’étais déjà là avant, mais j’étais trop occupé à trépigner sur mon siège pour dire quoi que ce soit. Je ne saurai clore cette chronique sans remercier Alain, of course, l’équipe des chroniqueurs de Soul Kitchen qui m’a permis de vous passer tant de sons différents dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, et bien sur, Olivier Pellerin, programmateur à Le Mouv’, Christophe Crénel et toute l’équipe de Rodéo pour ce bref aperçu de ce que sont de vrais professionnels. « Un jour j’aurai ton poste, vieille canaille… »
La classe !
Très à l’aise derrière un micro, en effet. Pas impossible d’obtenir un poste. Pas le sien mais un autre.
Ah je crois qu’on a trouvé notre représentant pour la radio :)
Bravo François !