Peel à poil

crédit : Mathieu Persan
Les concierges parisiennes vont arrêter de faire des cauchemars, les syndics de copropriété n'auront plus à s'inquiéter... En effet, le 17 juillet, Oliver Peel délocalise ses fameuses Peel Session dans la salle du Petit Bain à Paris. Adieu les appartements, au revoir les salons privés et tchao les chambres de bonne ! Il faut dire qu'il fallait un grand bassin pour les groupes qui vont assurer la centième et dernière Peel Session. David Gedge et ses deux progénitures que sont les Wedding Present et Cinerama sont donc les heureux gagnants de ce moment qui s'annonce comme mémorable.

Oliver Peel

Tu entames bientôt ta centième Peel Session. Pensais-tu arriver à ce chiffre symbolique le jour où tu as commencé ces concerts ?

Oliver Peel : J’ai commencé en décembre 2007 et je ne pensais même pas en faire une deuxième ! Tout simplement parce que le début était un peu spécial : un ami avait invité un groupe à jouer pour son anniversaire, mais la veille du concert il s’est rendu compte qu’il n’avait pas assez de place chez lui. Il m’a donc demandé si c’était possible de le faire chez moi. D’abord j’étais un peu hésitant, mais j’ai finalement accepté pour rendre un service à mon pote. Un an plus tard, mon ami avait un autre groupe pour son anniversaire et on a refait ça chez moi. J’ai seulement décidé à partir de la 3 ou 4ème session (je crois en mars 2009) de continuer et de faire ça régulièrement. C’est un miracle d’arriver à la 100ème session ! Et je dois beaucoup aux gens qui ont reçu les sessions chez eux depuis la 45ème. Avant c’était toujours chez moi. Après un problème de voisinage, j’ai commencé à me promener avec mes sessions, de faire le tour des appartements.

C’est David Gedge avec les Wedding Present et Cinerama qui vont jouer pour cette session. Comment c’est réalisé votre rencontre ? Qui a eu l’idée de les faire venir

Oliver Peel : Je ne connais pas encore personnellement David Gedge, mais je l’ai vu souvent sur scène avec The Wedding Present (4 fois). J’ai eu l’idée d’inviter Cinerama au moment où j’ai lu qu’ils allaient faire leur comeback au Primavera Festival en Barcelone en 2015 après une longue absence. Les Cinerama n’ont pas joué à Paris depuis 1999 (en première partie de The Beautiful South au Bataclan à l’époque, leur seul concert parisien). Ce qui me plaisait c’était le fait que les Cinerama avaient joué 10 John Peel Sessions (et The Wedding Present 9), puis aussi que c’est une exclusivité. Il n’y a aucune autre date en France, en Allemagne ou ailleurs, sauf en Angleterre. L’idée d’avoir un groupe rare, classe, culte et fétiche de John Peel est très excitant. Puis avec The Wedding Present en plus qui joue pour la première fois leur album Saturnalia c’est encore plus beau.

The Wedding Present – Montreal

Tu te rappelles du jour où tu as entendu ta première JOHN Peel Session ? C’était quel groupe ?

Oliver Peel : C’était une John Peel Session avec Joy Division, mais je ne l’ai pas entendue à la radio, mais sur disque. Je me suis dit que John Peel était le mec le plus cool de la planète car il arrivait à inviter des groupes de ce calibre pour ses sessions. Il avait une belle voix en plus.

Joy Division – The Peel Sessions

Oliver Peel a tout écouté de John Peel ? C’est vraiment un modèle ?

Oliver Peel : Non, c’est impossible d’avoir écouté toutes Les John Peel Sessions, il y en a des tonnes ! Il a commencé en 1967 et a fini après sa mort en 2004. Je possède des Peel Sessions sur disque, le coffret intégral des sessions avec son groupe préféré The Fall (il y en a 27 !), puis des sessions avec PJ Harvey, Pulp, I Am Kloot, Interpol, The Chameleons, New Order et encore d’autres. John Peel était un important défricheur, un passionné, un mec très intéressant. Mais ce n’est pas vraiment un modèle, plutôt une inspiration. J’ai mon propre style, je n’essaie pas de copier le grand John Peel, il est inégalé, moi je suis juste un petit bloggeur à la base. Mais si j’arrive à passionner quelques personnes pour les groupes que j’aime, je suis déjà content.

Comment tu as fait ton éducation musicale ? La radio a joué un grand rôle ?

Oliver Peel : Au début oui. Je suis né en 1971 et j’ai grandi en province en Allemagne. L’accès à la musique n’était pas facile et la radio était la première source pour découvrir des groupes. Après il y avait MTV à la télé, puis j’ai fait connaissance des groupes indés et punk dans ma boite indé à Coblence. Le DJ y passait les Sex Pistols, les Ramones, Siouxsie And The Banshees, Bauhaus, The Cure, les Pixies, DAF, Front 242, Toy Dolls, The Smiths, The Fall, Violent Femmes, etc… Actuellement je n’écoute plus de radio. Mais je lis toujours toute la presse musicale écrite (Mojo, Uncut, Q, Les Inrocks, Rolling Stone, Magic, Musikexpress etc.)

Dans une précédente interview, tu évoquais l’hypothèse de te lancer complétement dans la musique en tant que « tourneur ». Avec cette centième session tu as l’impression de franchir un cap ? Tu démissionnes demain et tu montes ton agence après-demain ?

Oliver Peel : J’espère franchir un cap en organisant pour la première fois un concert public et payant à l’aide de l’équipe adorable de Petit Bain. Je sors donc des apparts et du cadre privé pour avoir des conditions techniques au top pour ces deux groupes précieux. Ils vont être 8 sur scène Cinerama ! Difficile de faire un concert pareil dans un appart.
Mais là je suis plutôt dans le rôle de « producteur de spectacles » que de tourneur. Ces deux activités m’intéressent beaucoup et j’envisage en effet de me professionnaliser dans ces domaines là et de monter ma propre structure cet été.

Que retiens-tu de ces 99 premières sessions ?

Oliver Peel : Plein de beaux moments, musicalement et humainement ! Un grand aventure dans l’ensemble, je n’avais jamais un vrai concept, tout était toujours très spontané, à l’arrache et un peu sauvage. C’était passionnant, avec un public des passionnés, sans aucune idée de commerce derrière. Le contact avec les artistes a été très direct, l’ambiance décontractée. Des couples se sont formés lors de mes sessions et même des groupes ! Beaucoup de bonheur donc qui me fait oublier le stress et la fatigue que j’ai ressenti parfois aussi.

Ton meilleur souvenir des 99 premières Peel Session ? Le pire ?

Oliver Peel : Chaque artiste m’a marqué de sa propre façon. Je pourrais citer maintenant les artistes les plus connus comme les plus marquants (Troy von Balthazar, Coming Soon, Emily Jane White, Françoiz Breut…), mais j’ai apprécié chaque artiste qui a eu le courage de jouer si proche devant des gens et sans pouvoir se cacher derrière un gros son. Chacun a une place importante pour moi. Le pire souvenir ? Euh, j’ai déjà oublié, je retiens ce qui était positif !

L’affiche de la 100 ième session est superbe. Tu as donné carte blanche au type qui l’a créée ?

Oliver Peel : C’est Mathieu Persan qui a crée la belle affiche. Il travaille aussi pour Gonzai, Reza, Céline Tolosa et d’autres et j’adore ce qu’il fait. C’est un génie. Je lui avais laissé plus au moins carte blanche oui, mais je voulais les dieux lions et la tête de mon chat sur l’affiche.

TOP 10

Le meilleur album de 2015 ?

Oliver Peel : Poverty de Motorama et Northern Soul de Jenny Lysander.

Motorama - Poverty

Ça décrit bien ce que j’aime : le post punk/la new wave et le folk épuré. J’aime aussi les albums actuels de The Appartments, This Is The Kit, My Morning Jacket, Sufjan Stevens, Laure Briard.

Le groupe qui s’est séparé et que tu rêves de faire venir à une Peel Session ?

Oliver Peel : The Smiths ? Haha ! Pulp ? Galaxie 500 ? The Walkmen aussi, c’est peut-être plus réaliste que les Smiths et Pulp.

Le groupe qui n’aura jamais le droit de franchir la porte d’entrée d’une Peel Session ?

Oliver Peel : Muse. J’ai horreur de la grandiloquence.

Le meilleur endroit pour faire une Peel Session ?

Oliver Peel : Clairement ma terrasse au 8ème étage avec une vue magnifique ! Mais mon voisin n’est pas d’accord.

La meilleure Peel Session ?

Oliver Peel : Toutes mes sessions.

L’Oliver Peel Session devient un festival. Qui invites-tu en tête d’affiche ?

Oliver Peel : Interpol si je peux me permettre de rêver. Sinon Bill Callahan, Band Of Horses, Echo & The Bunnymen, The National, Peter Hook, Wire, Explosions In The Sky, The Cure, The Chameleons, PJ Harvey, Bonnie Prince Billy, I Am Kloot, Scout Niblett, Wire, Angel Olsen, Marissa Nadler, Low, Syd Matters, Damien Jurado, Joanna Newsom et bien d’autres. Quelques noms que je viens de citer sont peut-être réalisables en session ou festival, d’autres vont rester un rêve bien évidemment.

Je ferais un mélange entre groupes post-punk et folk en tout cas.

Le groupe que tout le monde a écouté sauf toi ?

Oliver Peel : Hum. Archive peut-être. Je connais très mal en fait. Pareil pour Primal Scream et Ride que j’ai vu récemment à L’Olympia.

La meilleure place dans une Oliver Peel Session ?

Oliver Peel : Sur un canapé. Les places de canapé sont très rares pour mes sessions.

Paris ou Berlin ?

Oliver Peel : Paris ! Pourquoi je serais parti de Berlin (en 2002) sinon ?

Ton disque honteux ?

Oliver Peel : Je possède des disques de Muse et de Placebo. Je me demande pourquoi ils n’ont pas encore fini à la poubelle. Sinon un disque d’Alizée et le dernier disque de Taylor Swift. Très mauvais aussi. Mais toujours mieux que Muse.

The Wedding Present et Cinerama joueront le 17 juillet 2015 au Petit Bain (Paris).

Pouet? Tsoin. Évidemment.

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