A un rythme effréné, Erland Cooper et Simon Tong (The Verve, Blur, The Good The Bad & The Queen) se bâtissent une discographie d’excellente facture.
L’affaire a débuté en 2010 avec l’éponyme Erland & The Carnival (Full Time Hobby). Enregistré dans le studio de Damon Albarn, Erland & The Carnival a installé la doublette Cooper/Tong comme un des duos les plus intéressants du paysage pop britannique. Attention, les morceaux de ces deux-là se méritent. Il y a de fortes chances d’être décontenancé au premier abord par cette pop bigarrée savamment orchestrée. Aimant compliquer les choses, ces deux Anglais se produisent aussi sous le nom de Magnetic North. Épaulés par Hannah Peel, Erland Cooper et Simon Tong écrivent des chansons sur les lieux de leur jeunesse. Le premier tome a été consacré à Erland (Orkney: Symphony of the Magnetic North). Le nouveau chapitre a pour décor Skelmersdale, la ville qui a vu grandir le type qui allait faire vendre des disques à Richard Ashcroft aka Simon Tong.
Simon Tong
Comment vas-tu ?
Simon Tong : Occupé. Nous faisons pas mal de promotion pour le nouvel album et nous répétons énormément. Nous travaillons dur pour jouer ce disque… Cela s’avère assez délicat.
Comment écrivez-vous vos chansons ? Les paroles en premier ?
Simon Tong : En fait, les titres viennent en premier. Quand nous avons enregistré notre premier album à Orkney , Erland est venu avec une liste de 11 ou 12 titres (des noms de lieux, de personnes, etc…). J’ai donc fait la même chose pour Skelmersdale. C’est une façon très intéressante de travailler quand tu dois écrire sur quelque chose de particulier. Cela t’aide à te concentrer sur le processus de l’écriture. Cela aide aussi à te montrer tes propres limites. C’est un point technique très important.
Où avez vous trouvé la photographie que vous avez utilisée pour la pochette de Prospect Of Skelmersdale ? J’ai cru comprendre qu’elle provenait d’une collection. Tu peux m’en dire un peu plus ?
Simon Tong : Elle provient d’une collection de photographies prises en 1984 par un photographe de Liverpool, Stephen McCoy. 1984, c’est l’année où je suis arrivé dans cette ville. Il s’agit des maisons de Skelmersdale, des paysages et le plus important, de ses habitants. Nous avons découvert les photographies de Stephen en faisant des recherches sur la ville. Nous lui avons alors demandé s’il souhaitait collaborer à l’élaboration de la pochette du CD et du vinyle. Nous avons également convenu, avec lui et sa compagne Stéphanie qu’ils fassent nos portraits pour la presse dans les endroits qu’ils avaient pris en photo il y a très longtemps. Sur Twitter et Facebook les gens de Skelmersdale nous contactent pour nous dire qu’ils connaissent les gens sur les photographies. Ce serait génial de mener une enquête, de faire le lien entre les habitants d’autrefois et voir ce qu’ils sont devenus aujourd’hui.
Vous évoquez le fait d’avoir voulu recréer l’atmosphère des bandes originales des documentaires de la B.B.C des années 70. Il y a un an ou deux, King Creosote a enregistré From Scotland With Love pour l’Écosse. Vous venez de faire la même chose pour l’Angleterre ! C’est sensationnel ! Pourquoi avoir voulu donner ce coté « bande originale » ?
Simon Tong : Nous avons été inspirés par des bandes originales et nous aimons les émotions qu’elles provoquent. Mais je pense que nous avons voulu aller plus loin en cartographiant le paysage et en imprimant des souvenirs sur la musique. Disons que c’est une bande originale dans nos têtes. On va dire que nous avons écrit sur des endroits abandonnés et que nous avons bâti une carte sonore d’un paysage.
Prospect Of Skelmersdale évoque une vieille utopie des années 70 qui évoque l’immigration étrangère et l’urbanisation. Aujourd’hui le Royaume-Uni possède les mêmes « problèmes ». Il faut trouver dans ce disque une consonance politique ?
Simon Tong : Je ne suis pas branché politique mais je pense qu’il faut toujours être sensible aux gens qui ont quitté leur pays. Dans un futur proche, cela pourrait être nous.
Où avez vous enregistré ce disque ? Un producteur a travaillé à vos côtés ? Prospect Of Skelmersdale a été facile à enregistrer ?
Simon Tong : Nous avons enregistré ce disque dans le Nord de l’Angleterre, dans le Lake District pour être précis, et à Londres dans le studio d’Erland. Nous nous sommes fabriqués un petit studio dans le Lake District : ainsi nous pouvons marcher dans les montagnes le matin et passer l’après midi et la soirée à écrire et enregistrer. Nous avons enregistré les voix de Signs dans une petite église perdu au milieu de nulle part. C’est un endroit très beau, avec une rivière et personne à des kilomètres à la ronde.
The Magnetic North – Signs
Nous avons produit le disque nous même, comme c’est la règle chez nous depuis le début. Erland a mixé les morceaux lui même. Il a fait un boulot fantastique.
Simon, il s’agit de ton album le plus autobiographique. Tu as grandi dans cette ville avec tes parents. Comment ressens-tu ce disque ?
Simon Tong : Tout a été facile une fois que nous avons décidé d’écrire sur cette ville. Mais Hannah et Erland ont mis du temps à me convaincre d’écrire sur des lieux de mon enfance. C’est très personnel donc très effrayant !
Quelle est l’histoire de la chanson A Death In The Woods ?
Simon Tong: A Death In The Woods est un méli-mélo de souvenirs d’enfance mais l’histoire est sensiblement la même que le film (et la novela de Stepphen King) de Stand By Me. Une jeune file avait disparu près de chez moi et des centaines de personnes ont recherché son corps dans la campagne environnante. Un ami et moi même avons participé aux recherches. C’était à la fois passionnant et effrayant car nous pouvions trouver le corps à tout moment. Quelqu’un a finalement été arrêté… Mais le corps n’a jamais été retrouvé.
Pourquoi avoir choisi une orchestration au final très discrète ?
Simon Tong : Hanna, qui s’occupe des cordes et des arrangements, avait décidé très tôt que ce nouveau disque devait sonner de manière différente que Orkney: Symphony of the Magnetic North. Orkney possède de grands paysages avec des falaises et un océan. Ces paysages nécessitaient des cuivres et des cordes lourdes. Skelmersdale nécessitaient une ambiance plus boisée, avec des flûtes et des bois. Un peu comme dans la bande originale de Kes de Ken Loach.
D’où proviennent les images du clip d’A Death In The Woods ?
The Magnetic North – A Death In The Woods
Simon Tong : Ce clip a été fait avec des images d’un documentaire réalisé dans les années par l’organisme Skelmersdale Development Corporation qui avait la charge d’attirer les industries et les entreprises dans cette ville. Évidemment notre clip donne un sens très différent à ces images. Mais j’adore la qualité des films des années 70. Les couleurs sont très vives et artificielles. Cela donne à tout cela un côté très surréaliste.
TOP 10
1) Le meilleur album de 2015 ?
Simon Tong : West Kirby County Primary de Bill Ryder Jones.
2) Your favorite song of Jackson C. Frank ?
Simon Tong : My Name is Carnival évidemment !
Jackson C. Frank – My name is carnival
3) Ta bande originale de film préférée ?
Simon Tong : Vertigo de Bernard Hermann et d’Alfred Hitchcock ou Blue Velvet d’Angelo Badalamenti et de David Lynch.
4) Le meilleur endroit pour voir un concert ?
– Simon Tong : Mon lit.
5) Le meilleur endroit pour faire un concert ?
– Simon Tong : Le théâtre antique de Fourvière à Lyon.
6)Ton artiste préféré français ?
Simon Tong : Debussy.
7) Arsenal ou Manchester United ?
Simon Tong : Liverpool.
8) Londres ou Paris ?
Simon Tong : Londres.
9) Si tu pouvais créer un festival… Quel nom lui donnerais-tu ? Quelles têtes d’affiche inviterais-tu ?
Simon Tong : Il s’appellerait “North by North west”. Stravinsky dirigerait Le Sacre du Printemps et les The Beatles joueraient l’intégralité de Revolver.
10) Le refrain ultime ?
Simon Tong : O Come O Come Emmanuel.
Prospect Of Skelmersdale des The Magnetic North sera publié le 18 mars 2016 via Full Time Hobby/PIAS et est en pré-commande ici. The Magnetic North sera en concert le 30 mars 2016 à La Maroquinerie dans le cadre des [PIAS] Nites avec Dralms.