Alan Corbel
Miossec
Tout commence par des huées et des invectives : celles du public de la Cigale, amusé puis exaspéré par l’étrange introduction du concert de Miossec. La bande-son façon musique de chambre, qui semble devoir annoncer l’entrée en scène du chanteur et de son groupe, semble ne plus devoir s’arrêter, et les minutes qui passent semblent bien longues pour les spectateurs. Un temps, on craint que le Miossec d’antan soit de retour, celui qui renonçait aux concerts juste avant le début ou après à peine quelques morceaux, trop aviné pour pouvoir poursuivre. Mais non : le voici qui débarque finalement sur la scène, justifiant par sa simple apparition cette étrange période d’attente.
Venu défendre notamment les titres de Finistériens, le Brestois démarre son set par 3 extraits issus de son dernier album. Un ’’Nos plus belles années’’ très carré mais néanmoins très rock laisse entrevoir un doux rêve : en vieillissant, Miossec se serait-il enfin aguerri ? Aurait-il enfin retenu les paroles de ses nouvelles chansons, mémorisé leurs changements de rythme ? La réponse arrive bien vite, dès le morceau suivant en fait : il bouffe sans vergogne la moitié des couplets des ’’Joggers du dimanche’’, suit difficilement le tempo, ne doit son salut qu’à l’attention particulière de ses musiciens, qui le surveillent comme le lait sur le feu. Non, Miossec n’a pas changé : il est toujours cette boule de stress imbibée d’alcool, ce gamin pas franchement décidé à améliorer ses points faibles.
Et pourtant, comme d’autres avant lui, Christophe Miossec tient debout, et nous rappelle régulièrement qu’un grand artiste qui titube reste un grand artiste. Après un ’’Haïs-moi’’ hésitant, il stupéfie l’audience par la fougue absolue d’une ’’Fidélité’’ faisant à chaque fois office d’électro-choc. La soirée est enfin lancée, et l’enchaînement imparable : un ’’Je m’en vais’’ dévastateur puis un ’’30 ans’’ poignant ne souffrent même pas des habituels trous de mémoire du chanteur. Acquis à sa cause, le public découvre des ’’Bonnes manières’’ de grande qualité, sans doute l’un des titres de Finistériens les plus convaincants sur scène.
Nouveau moment de grâce, l’inévitable ’’Brest’’ fait véritablement vibrer un public toujours bouleversé par l’un des vrais monuments de la carrière du chanteur, lequel en profite pour glisser un ’’Fermer la maison’’ sans doute amené lui aussi à devenir l’un des sommets d’émotion des concerts de l’artiste. Puis vient le temps des traditionnelles ’’Bières aujourd’hui s’ouvrent manuellement’’, capables de faire danser la foule la plus inerte. Avant que la nouvelle session d’extraits de Finistériens (’’CDD’’ – ’’Les chiens de paille’’ – ’’Jésus au PMU’’) ne fasse à nouveau douter du potentiel scénique de ce nouvel album. En revanche, un ’’Défroqué’’ sorti de derrière les fagots et interprété avec rage relance une nouvelle fois la machine de façon convaincante.
Foirant chacune des blagues tentées entre deux chansons (dont une vanne pourrie sur Franck Vandenbroucke), Miossec se régale visiblement à tourner en dérision des morceaux dont il n’assume pas l’aspect tragique. C’est ainsi que le titre suivant, ’’À Montparnasse’’, est présenté comme « chanson sur la gare la plus moche de Paris ». Très classe. Plutôt bien exécuté, le morceau est immédiatement suivi d’une ’’Mélancolie’’ fort réussie et d’une ’’Fortune de mer’’ prometteuse. La suivante, ’’Loin de la foule’’, confirme son statut de morceau assez oubliable.
À l’heure des rappels, pas de prise de risque mais une efficacité maximum : au classique ’’Non non non non (je ne suis plus saoul)’’ succède un ’’Pentecôte’’ toujours surprenant de violence contenue ; puis vient ’’Dom-Tom’’, morceau très apprécié par le chanteur mais ne dépassant jamais le stade du sympathique. Pour achever ces deux heures de montagnes russes, Miossec s’acquitte avec brio de ’’Seul ce que j’ai perdu’’, probablement le prochain single de son album. À la sortie, des fans satisfaits mais moins transcendés que d’habitude, et des néophytes inégalement séduits par le manque d’unité certain de la prestation du soir et par l’absence d’un Yann Tiersen qui avait peut-être mieux à faire.
En première partie, Alan Corbel avait auparavant dispensé une folk polie et bien léchée, sa voix dure et frêle rappelant un étrange croisement entre Thom Yorke et Damien Rice. Défendant son premier EP avec énergie, le chanteur breton (lui aussi) a capté sans grande peine l’attention du public. Et en solo s’il vous plaît, sauf lors de l’apparition d’Edith Fambuena (ex-Valentins), réalisatrice du disque et venue lui prêter main forte sur deux morceaux.
Setlist Miossec : Nos plus belles années | Les joggers du dimanche | Haïs-moi | La fidélité | Je m’en vais | 30 ans | Les bonnes manières | Brest | Fermer la maison | Les bières aujourd’hui s’ouvrent manuellement | CDD | Les chiens de paille | Jésus au PMU | Le défroqué | À Montparnasse | La mélancolie | Fortune de mer | Loin de la foule | Non non non non (je ne suis plus saoul) | Pentecôte | Dom-Tom | Seul ce que j’ai perdu (m’appartient à jamais).
Photographe : Alain
Très bon concert.
Merci à Miossec.
A écouter la diffusion ce samedi sur Inter du Pont des artistes. Miossec (pertinent & drôle) et Alan Corbel étaient bien. Bonne soirée