L’Histoire aura retenu qu’Alan McGee s’est lancé dans l’aventure Creation Records car il était plus doué pour signer des groupes que pour écrire des chansons. A chacun son rôle après tout… Après en avoir été acteur, JC Brouchard est devenu l’Historien des aventures d’Alan McGee et des méandres du fleuve Creation. Doté d’une mémoire hallucinante, JC Brouchard a conservé tous les documents de son aventure anglaise et nous la raconte dans son nouvel ouvrage. Brouchard est là au bon moment et au bon endroit. Il s’en est donné les moyens et sa passion va l’amener tout droit vers des groupes cultes comme Felt et les Television Personalities. Objectivant son sujet avec une douce subjectivité, Brouchard nous prend par la main et nous fait remonter le temps.
Closer To God
Tu as écrit ce livre grâce à la découverte d’un carton dont tu donnes les détails dans le livre. Que contenait exactement ce carton ? Quelle odeur avait-il ? Comment as-tu réagi ?
Discographie
Television PersonalitiesJC Brouchard : Le carton contenait le chantier habituel : des coupures de presse, des billets de concert, des lettres et des cartes, des paroles de chanson recopiées, des images découpées. Et puis, il y avait deux ou trois fanzines, quelques revues et mes fameux agendas. Il sentait le vieux, la poussière, mais ce n’est pas une surprise car ma chambre était dans un grenier, et tout sentait déjà le vieux quand j’y vivais. Ma réaction, ça a d’abord été la surprise, car je suis très conservateur et j’ai conservé énormément de documents. J’ai donc été surpris d’avoir égaré ceux-ci, et surtout qu’ils ne m’aient pas manqué. Il faut dire que j’avais plein d’autres choses de cette époque, donc au fil du temps je ne me suis pas inquiété du manque du contenu de ce carton. Ensuite, en relisant les agendas, j’ai eu la confirmation de l’importance que Television Personalities avait eu pour moi : si je n’avais pas voulu les voir en concert, je n’aurais pas rencontré la bande de Creation Records au tout début du label… J’avais déjà l’intention de faire un projet sur Television Personalities. La découverte du carton m’a donné une idée directrice pour me lancer dans son écriture.
Television Personalities Hard Luck Story Number 39
Ce carton te fait redécouvrir les Television Personalities. Tu les avais un peu oubliés depuis ce temps ?
JC Brouchard : Ah non, je ne les avais pas du tout oubliés ! Il se trouve que je n’ai jamais eu l’occasion de les revoir en concert après mon retour en France mi-1984, mais j’ai acheté tous les albums du groupe à leur sortie (sauf le tout dernier, dont je n’ai pas eu connaissance sur le moment) et un bon paquet de leurs nombreux singles quand je les trouvais à un prix raisonnable. Ce n’est qu’après Closer to God en 1992 que j’ai suivi les choses de plus loin, tout en continuant à acheter les disques. J’ai suivi aussi leur parcours dans la presse, avec de plus en plus de tristesse quand on a appris les soucis judiciaires et de santé de Dan Treacy.
Fan de chambre
Ton parcours est extrêmement singulier. Tu réussis à trouver un travail en Angleterre et tu arrives à découvrir les fondations du rock anglais des 90’s… Tu avais conscience à l’époque de vivre quelque chose « d’exceptionnel ». Tu n’es pas un fan de chambre mais un fan de terrain.
JC Brouchard : Mon parcours est celui d’un passionné de musique. Certains passionnés jouent dans des groupes, montent un label, créent une association pour organiser des concerts, lancent un magazine… Pour ma part, je n’avais pas de talent pour faire de la musique, mais c’était l’époque des radios libres : j’ai commencé à faire des émissions de radio, puis bien plus tard un fanzine, que j’ai décliné en ligne dès 1997. A l’époque c’est surtout la new wave anglaise qui m’intéressait. Je n’ai pas laissé passer la possibilité d’aller un an en Angleterre quand elle s’est présentée, mais j’ai eu un peu de chance de me retrouver à Londres même. Je ne crois pas être arrivé en Angleterre au « bon moment ». Le moment de mes vingt ans aurait été le bon, quelle que soit l’année. En 1977, 79 ou 81, j’aurais fait des découvertes et des rencontres différentes mais tout aussi intéressantes. En 85 ou 87 aussi. Mon seul regret en 83/84 est d’avoir complètement snobé les Smiths.
Je suis tombé au début de la scène indé qui a donné le mouvement C86 et effectivement une bonne partie du rock anglais des 90’s, mais je n’avais évidemment pas du tout l’impression de vivre un moment exceptionnel. Au départ, j’allais voir des têtes d’affiche plus ou moins grosses que je connaissais (Elvis Costello, Fad Gagdet, Monochrome Set, Television Personalities), et une fois que j’ai trouvé The Living Room, je me suis mis à voir non seulement des gens « connus » qui avaient déjà sorti des disques (Mekons, The Times, Nightingales, Jazz Butcher,…), mais aussi les inconnus qui faisaient leur première partie, comme The Loft, The Jasmine Minks, Khartomb ou The June Brides. Quand tu vois le deuxième concert de The Jesus and Mary Chain (le lendemain du premier) avec une douzaine de personnes dans la salle (les autres attendant au bar en-dessous), tu apprécies, mais tu ne te rends pas compte que c’est un moment exceptionnel, même si un Alan McGee tout excité t’explique que c’est les nouveaux Sex Pistols, qu’il va les signer et faire un album avec eux, alors que jusque là il n’a sorti que des 45 tours.
Television Personalities - And They All Lived Happily Ever After
Je suis d’accord pour dire que je ne me suis pas contenté d’être un fan de chambre. Pendant longtemps, je n’allais pas seulement chez les disquaires, mais aussi pas mal aux concerts. Avec la radio, je faisais régulièrement des interviews, on allait à des festivals. Depuis pas mal d’années maintenant, je me suis calmé et je ne quitte plus tant mon bureau.
L’idée du fan de chambre vient que je voulais avec ce livre expliquer comment j’étais passé en moins de trois ans de ma chambre de lycéen chez mes grands-parents aux concerts dans les pubs à Londres.
Le titre est en fait un jeu de mots sur celui du roman d’Octave Mirbeau, adapté au cinéma par Luis Bunuel notamment, Le journal d’une femme de chambre.
Magnificent dreams
As-tu redécouvert des choses que ton esprit avait « oublié » ?
JC Brouchard : Sur les Television Personalities, j’avais des souvenirs précis et complets car ils m’ont fortement marqué. Mais plus généralement, moi qui ai longtemps pensé que j’avais une bonne mémoire, favorisée par le fait que je ne bois pas d’alcool et donc ne prend pas de cuites, je me suis rendu compte au fil du temps que j’avais de gros trous de mémoire, que je pouvais avoir complètement oublié que j’avais vu tel ou tel groupe en concert ou, pire, que que j’avais tel ou tel disque (mais seulement pour des disques achetés tardivement, pas pour les disques achetés dans mes années « de jeunesse »).
Une des conclusions du livre est cette page intitulée « Ils auraient pu surpasser les Pastels ». Cette phrase est extrait de la chanson de Hard Luck Story Number 39. Pourquoi avoir mis ce titre si en évidence. Les Television Personalities auraient pu surpasser les Pastels ? Seulement les Pastels ?
Hard Luck Story Number 39
JC Brouchard : La mise en page n’est peut-être pas très claire : « Ils auraient pu surpasser les Pastels » est le titre de ce chapitre de conclusion, mais cette expression n’est pas tirée de la chanson Hard luck story number 39, dont j’ai choisi de traduire intégralement les paroles car elles donnent un point de vue très lucide de Dan sur son parcours. « Ils auraient pu surpasser les Pastels » est en fait un décalque du titre très ironique du troisième album de Television Personalities, They could have been bigger than The Beatles, censé être sorti après leur séparation.
Je voulais réutiliser ce titre, mais avec une référence prise parmi les nombreux groupes que Television Personalities a influencés. J’ai choisi The Pastels, un groupe qui jouit d’une très bonne réputation même s’il ne vend pas des disques par millions, parce qu’ils ont été fortement influencés par Dan, qui a édité leur tout premier disque sur Whaam!, et à cause de la proximité sonore entre « Beatles » et « Pastels »…
Tu nous as concocté une compilation de ce groupe que l’on découvre à la fin du disque. La photographie (et la pochette) sont de toi. Quelle est l’histoire de la photographie utilisée ?
JC Brouchard : Pour mes vingt ans en mars 1983, j’ai eu comme cadeau un appareil photo compact Olympus. Il avait une fonction retardateur, que j’ai utilisée à cette époque pour faire pas mal d’auto-portraits, dont ceux qu’on trouve dans le livre.
Pour la pochette de la compilation, j’ai utilisé une autre photo, prise à Londres au printemps 1984, que j’ai essayé de traiter façon pop art, un style qui a fortement marqué Television Personalities.
Cette compilation rappelle que rentrer dans l’univers de ce groupe n’est pas si simple… Quelle chanson t’a rendu fan de ce groupe ?
JC Brouchard : La première chanson que j’ai entendue du groupe, c’est leur classique Part time punks, mais sur le coup je n’ai pas particulièrement accroché, peut-être parce que je ne comprenais rien des paroles où ils ridiculisent les pseudo-punks. J’aime beaucoup cette chanson maintenant.
Television Personalities – Part Time Punks
La chanson qui m’a rendu fan du groupe, c’est la deuxième que j’ai entendue, Magnificent dreams. Très vite ensuite, il y a eu Three wishes, Diary of a young man, I know where Syd Barrett lives…
Tu as écrit un livre sur Felt. Quels liens fais-tu entre les livres concernant Felt et Television Personalities ?
JC Brouchard : Il y a un lien très fort entre ces deux livres. Dans les deux cas, je raconte le parcours d’un groupe « culte » par le prisme de mon expérience de ces groupes. Quand j’utilise l’expression « culte », je veux dire des groupes qui ont une énorme influence mais relativement peu de succès commercial. Dans les deux cas, une personnalité pleine de talent est au cœur du groupe, mais elle refuse de jouer suffisamment le jeu de l’industrie musicale pour connaître le grand succès. Dans la cas de Dan, comme il l’explique dans Hard luck story number 39, il n’aurait pas voulu être une grande vedette, même si je suppose qu’il aurait apprécié une plus grande reconnaissance et la possibilité de mieux vivre de sa musique. L’un des drames de Lawrence, c’est que lui aurait absolument voulu être une vedette à la Bowie, mais il a été incapable de faire les compromissions nécessaires pour y parvenir, sans parler des coups de malchance… Ce n’est pas un hasard si j’ai choisi de traduire en anglais ces deux livres : les deux groupes ont des fans partout dans le monde. J’ai vendu des livres sur Felt aussi bien en Suède qu’en Australie, en Uruguay qu’en Croatie ou à Hong Kong !
Retrouvez tous les détails sur la publication de Television Personalities : Diary of a young fan/Journal d’un fan de chambre en cliquant sur ce lien.
Retrouvez l’excellent blog de JC Brouchard en cliquant sur ce lien.