Fred Le Falher, tête d’affiche !

Michael Head © Fred Le Falher
Michael Head et son Red Elastic Band reviennent sur le devant de la scène avec, pour le moment, un single et une série de concerts. C'est de ces derniers qu'il est question dans cet article. En effet, Violette Records (le label de Michael Head) a commandé des affiches pour chaque concert à des graphistes renommés. Pascal Blua (Mouse Design) a ouvert le feu en premier. Messieurs les anglais, vous tirerez en deuxième ! Ou en troisième car le deuxième concert (Hedden Bridge, 15 juillet 2017) vient d'être illustré par Fred Le Falher l'un des tauliers du fanzine Le Mange Disque.


Le vendredi, c’est le jour du poisson à la cantoche. C’est aussi le jour des bonnes nouvelles. On peut enfin écouter le nouveau single de Michael Head et on peut découvrir la passion de Le Falher pour l’ex leader des Pale Fountains. Nous sommes revenus avec lui sur cette passion qui le lie à Mick Head. Ses paroles sont comme ses affiches : belles et passionnantes.

Aurillac, à vous les studios.

Fred & Mick

Comme ça Fred Le Falher est fan de Michael Head ?

Fred Le Falher : Ouais, jʼaime beaucoup ce mec et tout ce quʼil a fait : The Pale Fountains, Shack, The Strands. Quʼimporte le
nom sous lequel il officie, derrière cʼest toujours le même bonhomme qui émerge, comme si les années et les déboires nʼavaient pas de prise sur lui, en tout cas sur sa musique. Ça tient du mystère, quand même. Malgré les aléas de la vie, ce que fait Michael Head est toujours lumineux, positif, enthousiaste, super chiadé, avec des arrangements hyper beaux, des instruments inattendus, des refrains qui claquent. On sent quʼil aime ce quʼil fait, cʼest communicatif : il y a souvent des chœurs, les mecs chantent ensemble, ils partagent une même énergie collective et ça fout la patate. Un peu comme chez les Housemartins : cʼest de la musique qui a super bon esprit, je trouve. Jʼadore ça.

The Pale Fountains – Shelter

Comment as-tu découvert le groupe ? Te rappelles-tu de ta première écoute des Pale Fountains ?

Ça commence à être lointain, donc un peu flou… Jʼai découvert le groupe avec un peu de retard, parce que personne dans mon entourage nʼécoutait ça à lʼépoque où cʼest sorti. Mon grand frère était plus “classic-rock” (aujourdʼhui encore, dʼailleurs), et les copains cʼétait plutôt le rock alterno (Bérus et Cie), ou alors carrément la new-wave hyper froide, très maladive. Les Pale Fountains, il a fallu que je me démerde tout seul. Enfin, pas tout à fait : il y avait les Inrocks-mensuel, quand même, que je lisais religieusement comme beaucoup de gens de ma génération. Jʼai découvert grâce à eux un paquet de groupes qui ne mʼont plus quittés, les Pale Fountains font partie du lot. Je me souviens dʼun court article dans leurs pages “Popus”, avec une photo de Mick près dʼune moto, la tête rasée sur les côtés, chouette coupe de cheveux.

Mick Head @ Inrocks
Je me souviens aussi confusément dʼun article dans Rock&Folk (côté grand frère, donc) où Michael Head parlait de la photo “très étrange et très belle” (sic) qui orne la pochette de Pacific Street. Il expliquait que le photographe ne savait pas quʼil était visé par un flingue au moment où il appuyait sur le déclencheur, dʼoù le regard très intense du soldat et des deux autres types qui, eux, voient le tireur. Je ne sais pas si cette anecdote est avérée (le photographe, Mario de Biasi, nʼest mort quʼassez récemment) mais ça mʼavait marqué. Bref, dʼinterviews en articles élogieux, et avec lʼappui de quelques images frappantes (la pochette de Pacific Street, la coupe de cheveux de Mick), jʼai fini par mettre la main sur From across the kitchen table en vinyle, dʼoccas’ mais en bon état. Ça mʼa plu en une seconde, dès le “Yaaah !” crié en intro du premier morceau ! Cʼest un peu le cri primal de mon entrée chez les Pale Fountains. Ensuite, cʼétait parti : au fil des ans et au hasard des boutiques, jʼai acquis dans le désordre une bonne partie de la discographie dispersée de Michael Head : Pacific Street, plusieurs albums de Shack, The Magical World of the Strands, sur tous supports (même en cassette, puisque jʼai dégotté le Zilch de Shack pour 20 centimes dʼeuros chez Emmaüs!). Il me manque encore quelques albums (et je ne parle pas des singles et EP !), mais ça viendra, chaque chose en son temps. Jʼai ré-écouté tout ça récemment, à la faveur du dessin pour Violette Records : une belle re-plongée dans les eaux claires de la fratrie Head.

© Mario de Biasi (Budapest, 1956)
© Mario de Biasi (Budapest, 1956)

Tu viens de réaliser cette affiche pour Michael Head. Peux tu m’en expliquer la genèse ? Tu t’es visiblement
inspirée de la période boy-scout des Paleys…

Au tout départ, il y a Pascal Blua, quelquʼun que tu connais bien… On ne sʼest encore jamais rencontrés “en vrai » (distance Paris-Aurillac oblige), et pourtant je peux dire que cʼest un ami, un vrai. Un matin, via Facebook, il me fait une proposition que je ne peux pas refuser… Michael H. prépare un nouvel album, il y a 4 concerts dans lʼair, il faut 4 affiches. Pascal en réalise une, normal. Trois illustrateurs anglais sont sur le coup pour les suivantes. Lʼun dʼentre eux lâche lʼaffaire, Pascal me propose le job… Je dis oui sans même réfléchir. Grosse pression et délai un peu short, mais ça fait partie du jeu. Ma copine est rentrée du boulot sur ces entrefaits, je lui ai annoncé la nouvelle, jʼavais quasi les larmes au yeux… Bon, après il a fallu trouver une idée, cʼest là que ça se complique un tantinet. Jʼai un peu pataugé (cʼest le cas de le dire, quand on voit lʼaffiche…) Après quelques déboires (voir question suivante), le déclic est venu en me penchant sur les photos de Hebden Bridge, le petit patelin où Michael Head va jouer le 15 juillet. Cʼest paumé dans les bois, entouré de collines… et comme le nom lʼindique, il y a un pont, donc une rivière. Dʼoù lʼidée des pieds dans lʼeau, avec le jean remonté.

Hebden Bridge
Hebden Bridge

Ça, cʼétait lʼimage de base, et le premier truc que jʼai dessiné : le bonhomme avec sa guitare, qui se la coule douce en marchant dans la flotte. Ça rejoint le côté “positif” de la musique de Michael Head que jʼévoquais plus haut : des chansons qui font du bien, qui aèrent la tête et le corps. Comme de mettre les pieds dans lʼeau fraîche par une belle journée dʼété. La “fontaine”, encore et toujours… Ensuite, jʼai construit mon petit décor qui est comme une projection de lʼimage que je mʼétais faite de Hebden Bridge : les petites montagnes au fond, avec les maisons du village accrochées à la pente. Bon, à lʼarrivée ça ressemble surtout à Puech-les-Ouilles, un plan dʼeau du Cantal où on va se baigner lʼété avec ma pʼtite famille… Mais ça collait avec lʼidée dʼun paysage ouvert, dégagé, surtout pas oppressant. Comme cʼétait un peu vide, jʼai brodé autour en mettant de la garniture : des arbres, des branches avec des feuilles qui occupent le premier plan, et puis cet espèce de volatile qui coupe lʼimage, un héron ou un canard avec un grand cou qui passe par là, tranquille, une présence animale à laquelle je tenais parce que ça ajoute une touche bucolique, genre “osmose avec la nature”. Cʼest lʼanti-Delivrance, quoi (film bien crade des années 70 ou des écolos en kayak se font agresser par des bucherons dégénérés). Cʼest un peu lʼambiance que souhaitaient Matt (de chez Violette Records) et Mick : un cadre préservé, loin de la ville, très pur, très serein, en accord avec lʼétat dʼesprit de Mick en ce moment.

Shack – Streets of Kenny

Mick Head Revisited

Violette Records, le label de Michael Head, t’a laissé carte blanche ?

Cʼest une question qui tombe fort à propos parce que justement : oui et non… Disons que je pensais avoir carte blanche alors quʼen fait, pas vraiment : il y avait quelques contraintes, ou en tout cas des consignes qui mʼavaient échappé, et à Pascal aussi au moment où il mʼa mis sur le coup (pas grave, il en sera quitte pour me payer une tournée supplémentaire le jour où on se verra) ! Notamment celle-ci : lʼaffiche devait évoquer lʼenvironnement où était programmé le concert. Pour le coup, jʼétais complètement à côté de la plaque avec ma première proposition… Jʼavais dʼabord cogité sur le nom du groupe, The Red Elastic Band. Quoi faire avec cet élastoc rouge ? Je suis parti bille-en-tête sur lʼaxe Liverpool / Pale Fountains / Youʼll never walk alone : plein pot sur les cheminées dʼusine à lʼarrière-plan, une bande de mecs qui jouent au foot, et à lʼécart du groupe, au premier plan, un petit gamin genre Guerre des Boutons british, ébouriffé et renfrogné, débraillé dans son uniforme de collégien, avec un lance-pierre à la main. Un lance-pierre avec un élastique rouge, hé hé, jʼétais super content de moi. Gamme colorée assez dure, raccord avec le décor : du noir, du gris, du rouge. Dans ma tête, cʼétait limpide : cʼétait Michael Head enfant, gamin turbulent grandi entre les usines et le football, avec lʼenvie dʼen découdre… Tout content, je rends ma copie à Pascal, qui fait suivre à Matt et Mick et là… Ouch, cruelle désillusion ! Trop Liverpool, trop usine, trop urbain, sans parler de ce gamin en culottes courtes et pull rouge qui rappelle étrangement la pochette dʼun vieux single des Pale Fountains… alors que Mick nʼen finit plus de tourner la page des Pale Fountains pour aller de lʼavant. Bref : rien ne va plus, et là je me dis que ça mʼapprendra à vouloir jouer dans la cour des grands. Mais il en faut plus pour abattre un vieux fan des Paleys isolé dans lʼAuvergne profonde ! Et puis Pascal était dans une position délicate, bien emmerdé… Alors passé un petit moment dʼabattement, jʼai pris mon courage à deux mains et me suis remis au boulot, tel un bon petit soldat au service dʼune noble cause. Matt a expliqué quʼHebden Bridge était un coin paumé, et que cʼest cette dimension-là quʼil fallait illustrer : lʼenvironnement pastoral, loin de la grisaille de la ville comme des souvenirs accrochés aux basques des Pale Fountains. Matt avait vu sur Stereographics (le blog de Pascal) un dessin que jʼai fait il y a quelques années pour Garciaphone (un musicien de Clermont passé par Kütu Folk et Talitres). On voyait le guitariste tout seul au milieu des bois, la nuit, entouré dʼanimaux. Ça lui a plu, il voulait le même genre dʼambiance. Très loin des cheminées fumantes des usines de Liverpool, donc. Cʼest pas vraiment mon truc, à la base, les ambiances “Nature et Découvertes”… Mais le jeu en valait la chandelle, alors je me suis fait violence. Comme je disais à Pascal : je suis un peu sorti de ma zone de confort habituelle, et il faut reconnaître que des fois, finalement, ça fait du bien.

Garciaphone © Fred Le Falher
Garciaphone © Fred Le Falher

Pourquoi avoir représenté ce guitariste, qui est sans doute Mick, de dos ?

Mettre le musicien de dos, ça évite dʼavoir à dessiner son visage : cʼest déjà un écueil dʼesquivé. Là, non seulement il est de dos mais en plus, sa tête sort du cadre (Michael Head sans Head, donc !). Jʼai essayé différentes versions, et jʼai fini par caler le personnage en haut de lʼaffiche pour dégager de la place en bas, ça me permettait de placer les feuilles et surtout le canard-héron en amorce, qui devient presque le sujet principal de lʼimage. Jʼavais vraiment envie de mettre du relief, dʼoù lʼabondance dʼéléments au premier plan, les feuilles rouges, le volatile (appelons-le comme ça), lʼarbre au tronc noueux à gauche, la branche horizontale derrière… Tout ce réseau de lignes qui se croisent, ça mʼa amené à monter le personnage toujours plus haut, et il a fini par sortir du cadre. Donc tout ça, cʼest dʼabord des questions de composition.
Lʼidée, cʼétait aussi quʼil chante pour les gens du village, au loin, au lieu de leur tourner le dos. Bon, de là où il est, ils ne risquent pas de lʼentendre… Mais cʼest lʼintention qui compte, on va dire quʼil est dans une démarche de partage, dʼouverture aux autres, de générosité. Si je veux faire dans le symbole, on peut dire que Mick va de lʼavant, son horizon est dégagé, une perspective nouvelle sʼoffre à lui… Mais pour être tout à fait honnête, je dois aussi avouer que tout ça nʼest pas forcément réfléchi. Jʼai tout de suite entrepris de dessiner le personnage de dos, sans savoir pourquoi. Des fois on fait les choses instinctivement, sans trop se poser de question. Peut-être que ça mʼemmerdait dʼavoir à dessiner les cordes de la guitare, tout simplement. Je pense aussi que jʼavais quelque part en tête la très belle pochette du EP Artorius Revisited réalisée par Pascal, où Mick est tourné de trois-quart dos.

Michael Head & The Red Elastic Band - Artorius Revisited
Michael Head & The Red Elastic Band – Artorius Revisited (design : Pascal Blua)

Quelle est ta chanson préférée de Mick ? Et ton disque préféré ?

Houlala, très difficile à dire. Je me rends compte que je nʼai aucun single de Michael Head, pas le moindre 45 tours, jʼai toujours tout écouté en album. Du coup pour moi, chacun forme un tout, je les écoute toujours en entier. Je peux citer quelques morceaux que jʼaime particulièrement : Shelter, qui ouvre le premier album avec sa fougue communicative… Ou Itʼs only hard, un peu plus loin, un super morceau assez lyrique qui démarre à lʼorgue, et sur lequel Michael Head sʼépoumone à grands renforts de tambourin, trop bien. Sur Pacific Street, jʼadore Southbound Excursion avec sa flûte traversière et ses chœurs, la trompette de Youʼll start a war, le quasi easy-listening Meadow of love (ce qui nʼest pas du tout péjoratif : je suis un gros fan dʼeasy-listening), et puis lʼépatant Thank you qui conclut lʼalbum : tu mʼétonnes, Thank you ! Il faudrait aussi citer un morceau de Shack, alors va pour lʼeuphorisant Beautiful, sur HMS Fable, ou Streets of Kenny, que jʼaime bien aussi avec ses passages presque bruitistes… Sauf quʼun autre jour, je pourrais tout aussi bien citer dʼautres titres, piccorés au hasard de chaque album, parce que yʼa pas grand-chose à jeter, quand même, dans ce quʼa enregistré Michael Head. Tiens, par exemple : le morceau Josephine, qui vient de sortir, je lʼai trouvé extra dès la première écoute. Quand jʼai entendu ça, je me suis immédiatement senti en terrain familier. Je me suis surtout dit quʼil était toujours en forme, le Mick, et ça fait pas quʼun peu plaisir !

Adiós Señor Pussycat de Michael Head & The Red Elastic Band sera publié via Violette Records.
Michael Head & The Red Elastic Band sera en concert le 15 juillet à Hedden Bridge (avec Lee Southall) et 8 septembre à l’Union Chapel (Londres).

Michael Head & The Red Elastic Band - Josephine
Michael Head & The Red Elastic Band (design : Pascal Blua)

Pouet? Tsoin. Évidemment.

Cela pourrait vous intéresser

Le spleen de From Your Balcony

Nicolas Swierczek et ses From Your Balcony viennent de publier un grand disque. Avec pour allié le temps, cet élément que l’on préfère dérouler à tout-va plutôt que de le laisser travailler, ce groupe lillois laisse libre cours à sa mélancolie et poursuit un idéal pop qu’il arrive à atteindre.
Olivier Rocabois - Goes Too Far

Olivier Rocabois – Goes Too Far

Olivier Rocabois fait feu de tout bois pour dépasser par la droite Neil Hannon sans le prévenir et laisser tout penauds les frères Brewis de Field Music.

Vibrer avec Mel Bowen !

Mel Bowen donne enfin une suite à son EP Everyday’s A Holiday ! L’ex Mercury 13 revient avec un nouvel EP qui devrait adoucir l’été et nous faire rêver de la Mersey.

Passionnant Johan Asherton

Et un nouveau beau disque de Johan Asherton ! L’ex-The Froggies, qui a eu le chic de ne jamais enregistrer un mauvais disque depuis ses débuts solo en 1988 avec God’s Clown, revient avec Passiontide, une collection de dix chansons sombres et élégantes.

Plus dans Interviews

Louisecombierportrait04b

5 questions à Louise Combier

Avant son passage très attendu à la salle des Rancy à Lyon le jeudi 28 novembre, Louise Combier nous parle de ses morceaux du moment.
Massilia

Massilia à Massilia !

Massilia Sound System fête ses 40 ans d’existence en tournée et par un concert gratuit sur le Vieux Port de Marseille le 19 juillet. SK* les a rencontrés au Vercors music festival avant un concert qui s’annonçait dantesque stoppé net par l’orage.
Cmathieuteissier1

Rêve éveillé avec Lescop

Lescop sort du bois avec un nouvel album, Rêve parti qui fera danser Les garçons et vous retirera la raison avec la femme papillon. Entretien avant son concert à La Rayonne à Villeurbanne le samedi 9 mars.
Julienshelter-matthieudortomb4

5 questions à Julien Shelter

Avec Island, Julien Shelter nous propose un album cocon, un disque refuge pour se ressourcer avec des titres délicats évoquant l’amour, la nature ou l’enfance.