Catastrophe – La Nuit Est Encore Jeune

Groupe à géométrie variable, Catastrophe vient de sortir un disque qui mérite une note invariable. Celle de 10/10 si vous êtes chez Pitchfork, cinq étoiles si vous êtes chez Rock'N'Folk ou 5 clefs si vous lisez Télérama.

Avec La nuit est encore jeune, Catastrophe dynamite le paysage musical français. Sous la houlette de Bertrand Burgalat, ce collectif fait se rencontrer la précision de Steely Dan et les idéaux de Mai 68. Renversant.

Parfois il faut mieux ne rien dire et laisser parler les artistes. Surtout quand ils disent de belles choses. Les réponses d’Arthur Navellou, de Pierre Jouan, de Pablo Brunaud et de Blandine Rinkel valent toutes les chroniques.

Discographie

Lisa Balavoine, dans son premier roman écrit : « Enfant, je n’avais pas envisagé de devenir une personne normale ». Et vous, avez-vous envisagé d’être un groupe normal ?

Catastrophe : Pas vraiment puisque dès le départ, on avait envie de réaliser des idées qui nous font se dresser les poils sur les bras, qui déclenchent des rires immédiats — qui nous surprennent. Catastrophe n’a jamais été un projet strictement musical ou littéraire ou scénique. Nous avons écrit un livre, fait de la radio, des fêtes, du théâtre. En 2015 à l’Amour, un ancien squat de Bagnolet où tout à commencé, on proposait un cabaret avec des inventions scientifiques, des chansons d’opéra et de l’électro. Ca nous excitait de tenter ça. Depuis, on a clarifié beaucoup de choses, mais Catastrophe ne sera sans doute jamais un « groupe normal » car il y a au coeur de ce que nous faisons l’envie de ne pas répéter ce qui a déjà été fait. De jouer dans des lieux étonnants, des forêts, des musées, des zones industrielles. On essaye de suivre, tant bien que mal, l’idée que tout pourrait être autrement. Pour autant, le bizarre pour le bizarre ne nous intéresse pas, on aimerait être le plus simple possible, le plus immédiat, sans se complaire dans l’étrange.

D’ailleurs vous ne vous présentez pas comme un groupe mais plutôt comme un mouvement ? Pourquoi ?

Le mot groupe n’est pas si mal ! Mais pas tout à fait exact. Mouvement, le mot est sans doute trop fort, mais c’est vrai que nous n’en avons pas trouvé d’autres qui désignerait ce que nous essayons d’être : un ensemble de personnes partageant un même humour, un même goût des rencontres improbables, qui se rassemblent ponctuellement pour parler et faire des choses, rire, penser et danser.

Vous êtes en ce moment à Munich pour une station d’essai et d’erreur. Comment vous êtes vous retrouvés en Bavière ? Et qu’est-ce que cette station ?

Nous y serons à partir du 28 janvier, et jusqu’au 22 février. Nous avons été contacté il y a quelques mois maintenant par le Kammerspiele de Münich qui invite plusieurs compagnies de divers pays (Cote d’Ivoire, Mexique, Allemagne…) pour penser quelque chose autour de Mai 68. Comment raviver l’énergie de cette époque, en faire quelque chose, autrement, aujourd’hui ? Nous allons donc côtoyer des danseurs ivoiriens et des féministes berlinoises tous les soirs trois fois par semaine. En parallèle nous allons donc aussi créer cet atelier éphémère de l’imaginaire qui vise à réaliser concrètement les choses qui n’existent pas encore. Il est possible de nous envoyer vos idées à cette adresse : lacatastrophe.fr.

Votre disque fait partie d’un tout qui sert cette phrase de Robert Musil : « C’est pourquoi il serait original d’essayer de se comporter non pas comme un homme défini dans un monde défini où il n’y a plus, pourrait-on dire, qu’un ou deux boutons à déplacer (ce qu’on appelle l’évolution), mais, dès le commencement, comme un homme né pour le changement dans un monde créé pour changer. » Pouvez-me définir ce tout ? L’œuvre de Catastrophe ne se cantonne pas à un disque

En effet, comme dit plus haut nous essayons, avec Catastrophe, de « créer des moments » en utilisant plusieurs matériaux : le texte, la musique, l’image, la rue, les événements. Ce qui nous intéresse c’est de sentir qu’on prend des risques et que les lignes tremblent un peu. Les lignes de démarcation entre la musique et la littérature par exemple, entre le concert pur et une espèce d’agora, où l’on se confie autant que l’on écoute. Les messages qu’on reçoit, en ce sens, nous touchent beaucoup. Depuis le départ, on envisage Catastrophe comme un espace de rencontres possibles. Et comme un lieu de possible changement grâce à ces rencontres (bouleversement, c’est le sens étymologique du mot Catastrophe) ; croquer dans un piment rouge ou se raser les cheveux peuvent être les départs d’une représentation. Mais aussi, plus simplement, prononcer une phrase qu’on osait dire à personne jusqu’à là. Quitte à risquer le ridicule, on essaye d’employer la scène à se transformer. Pas juste « déplacer un ou deux boutons » mais essayer, tant bien que mal, parfois maladroitement, de changer.

La nuit est encore jeune… Pourquoi avoir choisi ce titre ?

C’est un ami qui a dit cette phrase dans un escalier, au milieu d’une nuit de réveillon. On l’a tout de suite saisie au vol parce qu’elle nous a d’abord semblé belle. Puis on s’est rendu qu’elle recelait un tas de sens possibles, comme des petites lucioles qui tournent autour d’une ampoule. Notre disque raconte la traversée d’une nuit, une morceau pour chaque heure de la nuit. Elle est aussi importante pour nous sur un plan symbolique comme politique ou sentimental, parce qu’elle est cet espace de liberté où les lois s’appliquent un peu moins, sont plus troubles, où l’on sent combien tout pourrait être autrement. Et à 4h du matin, déambulant dans la rue, on se chuchote les choses qu’on ne dirait jamais le jour.

En parlant de la nuit… Vous l’avez enregistré le jour ou la nuit ce disque ?

Il a été composé lors des nuits blanches de Pierre, retravaillé dans les nuits fluorescentes d’Alois, écrit plutôt à l’aube par Arthur ou Blandine, mais c’est surtout un disque qu’on expérimente la nuit, et tous nos concerts ou performances sont les lieux de rencontres inédites. Des rendez-vous nocturnes. Et c’est pour eux sans doute, qu’on fait tout ça.

Catastrophe - La Nuit Est Encore Jeune

La nuit est encore jeune de Catastrophe est disponible chez Tricatel.
Catastrophe sera en concert dans toute la France les mois prochains et notamment le 10 mars au Festival du livre – « Imaginer Maintenant » de Bron près de Lyon et le 2 mai 2018 à La Lune des Pirates (Amiens).

Catastrophe - La Nuit Est Encore Jeune

Tracklist : Catastrophe - La Nuit Est Encore Jeune
  1. La nuit incompréhensible
  2. Perspectives
  3. Occhiolism (n.m.)
  4. L’innocence
  5. L’amour tout nu
  6. Be Bop Record
  7. M.M.W.E
  8. Infiniment
  9. Virtual Experience
  10. Station-service
  11. À cet instant
  12. Vertigo
  13. Phoenix (Il y aura un matin)
  14. N’éteignez pas la lumière

Plus d’informations sur Catastrophe : lacatastrophe.fr

Catastrophe – La Nuit Est Encore Jeune
10/10
Pouet? Tsoin. Évidemment.

Cela pourrait vous intéresser

Catastrophe, Satellites of Love

Rien n’arrête Catastrophe ! Après avoir publié La nuit est encore jeune, voilà que le collectif parisien sort un disque de remixes et se lance dans une série de concerts totalement hallucinants.

[MaMA 2017] Voyage au bout de la nuit avec Catastrophe

La première fois que nous avons entendu parler de Catastrophe, ce fut évidemment lors de notre rencontre avec Bertrand Burgalat. Quand ce dernier parle de Pierre Jouan ou de Blandine Rinkel (deux des membres de ce collectif d’une quinzaine de personnes), ses yeux s’illuminent et son phrasé devient brûlant.

Plus dans Chroniques d'albums

Mattlow-uneviecool

Matt Low – Une vie cool

Il y a des voix qui vous séduisent, vous enveloppent, vous rassurent. Matt Low sort son deuxième album après le formidable La ruée vers l’or, et Une vie cool est drôlement bath.
Lesmarquises-soleilsnoirs

Les Marquises : Fiat Lux

Avec Soleils Noirs, Les Marquises nous entraîne dans un archipel du bout du monde, un voyage au long cours en deux plages mystérieuses et fascinantes aux titres puissamment évocateurs, L’étreinte de l’aurore et Le sommeil du berger.
Karkwa Dans-la-seconde

Karkwa – Dans la seconde

Qui l’eût cru ? Karkwa revient dans la seconde, treize ans après Les Chemins de verre. Peu connue en France, la formation québécoise est la valeur sûre de la Belle Province avec des arrangements amples et une voix, celle amicale de Louis-Jean Cormier.