Commençons évidemment par cette rencontre magique avec Joey Burns et sa bande et ce fameux concert à l’Épicerie Moderne de Feyzin où tu as osé !
Alors la vraie histoire c’est que vers 2015 on m’avait rendu mon contrat et j’avais des chansons et quelques maquettes et je voulais absolument en faire quelque chose. Je voulais retravailler avec Nicolas Dufournet avec qui j’avais fait J’ose et puis je me suis demandée quel serait mon rêve ultime. Calexico arrivait en tête, une référence pour moi depuis une bonne dizaine d’années et je me suis dit, je vais leur écrire. Le management me répond qu’il va faire parvenir les maquettes à Joey et John et un mois après c’était non. Je me suis dit qu’il ne fallait pas trop rêver haut et que j’avais tenté. Et mon mec m’offre pour mon anniversaire Calexico à l’Épicerie Moderne et il me dit de foncer avec mes maquettes. Et à la fin du concert j’évoque mon projet avec l’un des guitaristes, Sergio et je sais qu’ils ont déjà travaillé avec des françaises comme Françoiz Breut ou Marianne Dissard et il me dit, promis, je leur transmets. Et à une heure du matin, je reçois un mail de Joey qui me demande si je suis toujours là. Évidemment je suis rentrée. Je regarde vite leurs dates de tournée et je vois qu’ils jouent à Berne dix jours plus tard. J’y vais alors avec mon conjoint, on est sur la route, sous une pluie battante avec Joey qui m’envoie des messages pour me dire que les chansons lui plaisent, notamment Ton camion : « what a song ! ». Et quand j’arrive là-bas, gros hug ! Ils nous ont accueillis comme si on était fait pour se rencontrer.
Discographie
AurenC’est amusant car Ton camion a été mon premier coup de cœur du disque, peut être parce que c’est la plus dépouillée, où la voix est peut être plus en avant… Peux-tu nous donner quelques impressions de Tucson, vu de France on a certainement beaucoup de clichés sur l’Arizona, les caches poussières, le temps qui se dilate ?
Alors c’est un drôle de mélange, une ville un peu bobo où tu sens qu’il y a plein d’artistes, plein de petits cafés avec toutes sortes de bières, de thés, de cafés et au milieu de tout cela, des cactus à n’en plus finir, des coyotes, des cow-boys, des hommes d’affaire. C’est très cosmopolite, un peu New York dans l’esprit avec toutes ces cultures mélangées car on n’est pas loin de la frontière mexicaine. Des petites maisons aux toits très bas et le studio en pleine ville, une espèce de grand hangar sans aucune publicité. Il faut savoir que c’est là. Studios WaveLab, et quand tu rentres, c’est la caverne d’Ali Baba. Des vieux trucs, des guitares, des synthés, une vraie chaleur.
https://www.youtube.com/watch?v=qIXhuLeJIgA
Cela a t-il influencé le son du disque ? C’est toujours toi bien sûr mais la production de Calexico est très subtile.
Il y a eu plein d’étapes dans le disque. Quand Calexico nous a dit que c’était ok, c’était en juillet 2016, les maquettes étaient prêtes mais j’ignorais la direction vers laquelle je voulais aller. Sur J’ose, on m’avait trop dit que je partais dans tous les sens, qu’il n’y avait pas de singularité, qu’il y avait plusieurs couleurs musicales. Et avec l’expérience de la scène je savais que je voulais quelque chose d’organique, d’analogique. Mais je ne voulais surtout pas faire Auren by Calexico ou l’inverse. On a eu un petit mois avant d’aller là-bas, on a revu avec Romain et Nicolas tous les titres, ce qui fonctionnait et ce qui marchait moins bien. Par exemple Tout est permis qui est une bossa ne l’était pas du tout au départ. Mais on avait l’ossature. Après, sur quelques titres comme Tamaris, C’est pas pour dire ou Lacher les chiens, je voulais leur laisser plus de liberté, que cela soit eux à 100 %. Sur Emilio, ils ont apporté un gros truc avec la trompette. Alors j’avais une vraie ligne conductrice, ne pas pencher trop vers du Calexico pur jus mais en même temps de les laisser faire ce dont ils avaient envie.
Auren – Tout est permis
Il y a beaucoup de prénoms sur le disque, c’est venu comme cela ou c’est volontaire ?
Ce qui est fou, c’est que quand tu écris les textes et que tu choisis les titres, tu n’es pas dans le concept, de ce que je fais défendre ou dire. Et au moment d’enregistrer, je n’avais pas de maison de disques, je me suis dis, il va falloir que je trouve quelque chose qui accroche. J’ai pris un peu de hauteur et je me suis aperçu que je ne parlais que de femmes, toutes singulières, une qui est impatiente, une qui est vindicative, une qui est inconsolable et cela m’est venue comme cela, mais vraiment après.
Il semble qu’il y a eu aussi un gros travail côté mélodies, les titres restent en tête. Par exemple Moi Jane qui vient d’être mis en images par ton frère.
Avec J’ose, j’avais besoin de toucher à tout et le disque parait de fait plus hétéroclite. Mais là j’ai fait une équipe, Romain et moi et basta avec quelques coups de mains de Gérald. Et la volonté de ce disque c’est que toutes les chansons devaient marcher guitare / voix. Que les chansons fonctionnent par elles-mêmes, que je puisse prendre la guitare et jouer simplement car je ne suis loin d’etre virtuose.
Auren – Moi, Jane
Et comment ces morceaux vont prendre vie sur scène ? Rêves-tu de jouer avec Calexico ?
Oui, bien sûr le rêve serait que l’on joue ensemble, je sais qu’ils sont d’accord mais cela coûterait beaucoup d’argent… Mais là on a développé un trio avec Matthieu et Romain, c’est très simple et acoustique, contrebasse, folk et électrique. Trois voix.
[Nous sommes troublés car le sosie de Jim Jarmusch entre dans le café où nous discutons]
Avec beaucoup d’harmonies. Et puis au Café de la danse le 4 juin, on aura une trompette.
Il y a un titre étonnant, c’est Oh mon amour qui commence acoustique, calme et finit en distorsion, on ne s’y attend pas !
Oui, c’est la magie de jouer live au studio. Joey et John ont dit qu’ils voulaient faire toutes les rythmiques en live pendant trois jours, Romain était à la guitare, Joey à la basse, John à la batterie et moi au chant. Tous dans la même pièce et on enregistrait sur bandes analogiques. Et quand on a commencé à chanter Oh mon amour, Joey nous à tous regardé, il a fait 3 / 4, a dit un truc à John et c’était parti ! Et la chanson a débordé, on a rajouté quelques guitares électriques, et j’avais presque l’impression d’être dans un groupe de rock !
Et sur place, vu qu’ils connaissent beaucoup de monde, tu as rencontré d’autres artistes ?
Oui, plein de gens sont passés comme Giant Sand par exemple, on est allé écouter la fille d’Howe Gelb qui chantait à Tucson et on a vu plein d’autres gens de passage. Joey a aussi un luthier incroyable qui est venu montrer ses guitares… Ça rentre, ça sort en permanence. Ils adorent partager et s’ils ont un coup de cœur, ils font ! Aux Etats-Unis, tu n’es pas crédible parce que tu as du succès, si tu es musicien et que tu aimes la musique, c’est cela qui compte. Joey et John prônent l’indépendance de l’artiste.
Tu as une chanson préférée de Calexico ?
J’en ai plusieurs ! j’adore The News About William, mon disque préféré c’est Feast Of Wire (2002) mais j’adore Algiers avec Fortune teller.
Et cette pochette ? Quelle est son histoire ? c’est ton frère qui l’a faite, comme ton nouveau clip et le Random d’Eddy de Pretto…
Donc on a fait appel au photographe Ismael Moumin dont j’avais adoré le travail avec Sage. Je lui ai fait écouter le disque en lui expliquant qu’il était centré sur les femmes, la pluralité et la dualité. Et donc en fait c’est moi de face et de dos. Et de montrer tout en même temps, cela intrigue, il y a aussi la mèche de cheveu qui met un peu de pudeur. Et ce côté mélangé, on ne sait pas trop si c’est ma poitrine ou pas. C’est mystérieux !
Revenons au disque, une chanson te tient particulièrement à cœur ? Peut être plusieurs ?
Alors plusieurs, mais Emilio, j’y tient énormément. Je l’aime par la musique et le texte évidement, les femmes entre 30 et 40 ans qui commencent à divorcer, à ne plus désirer leurs maris. Ce n’est pas mon histoire, c’est un sujet bien actuel. Bien sûr aussi Ton camion car c’est grâce à cette chanson que je suis partie à Tucson et qu’ils me disaient, « your truck, what is your truck, I don’t understand, you write a song on your… truck ! » J’ai du leur expliquer que cela fait partie d’une histoire d’amour d’enfance qui revient aujourd’hui. Et puis Lâcher les chiens, j’aime le côté chamanique de la fin, c’était une période où cela n’allait pas bien, où je me posais beaucoup de questions, lâcher prise pour voir ce qui allait se passer derrière.
Plus d’informations sur Auren : www.auren-officiel.com
Auren sera en concert le 15 mai au Club Bellevue (Caluire près de Lyon) et le 4 juin à Paris (Café de la Danse)
Auren - Numéro
- Emilio
- Moi
- Jane
- Tout est permis
- Lâcher les chiens
- J'suis pas
- Oh mon amour
- C'est pas pour dire
- Ton camion
- Tamaris
- Edith
- Le fil