Nous croisons Anand et Ira en chemin pour leur chambre, ils nous rejoignent dans cinq minutes, je me retrouve donc seule avec Chris dans un petit salon de l’hôtel du IXe arrondissement. Le bavardage de coutume en attendant les autres est cela dit hors-normes : nous comparons les musées des différentes capitales mondiales. A ce sujet, ils ont joué au Guggenheim, pour les cinquante ans du musée New-Yorkais. Il en parle de manière tout à fait décontractée : « Les prix des billets étaient prohibitifs pour notre public habituel. Je m’attendais à un public coincé mais ils étaient cool en fait. » Mais en conclusion, « C’était une super expérience. D’ailleurs, si tu pouvais nous arranger un concert au Louvre… » rajoute Chris, avec un clin d’œil.
« Si on devait décrire notre musique, j’obterais pour ‘Punch Drunk Dub électronique' »
Discographie
YeasayerAnand et Ira nous rejoignent enfin pour aider Chris à plancher sur le problème de la description de leur musique. Je leur propose une liste de ce que j’ai pu trouver sur internet : jungle-folk, world-experimental, electro-tribal, exotic gospel… et j’en passe. Chris opte pour « Punch Drunk Dub électronique ». Je cite leurs influences qui représentent un panel assez large : les bande-son des films Bollywood et la musique celtique côtoient des artistes plus classiques comme Phil Collins, The Cure, David Bowie, Nick Cave… Ira explique : « On veut créer notre propre son. Plus les sources sont diversifiées, plus on va pouvoir créer quelque chose d’unique. On veut éviter d’être comparés à John Lennon ou Beyoncé. » Chris, le comique de service, enchaîne : « En fait, c’est le son qu’on recherchait : du John Lennon à la sauce Beyoncé. »
« Ce qui véhicule la majorité des émotions et de la nostalgie que l’on peut éprouver quand on écoute un album, c’est la voix »
N’arrivant toujours pas à faire obtenir des réponses plus précises, je les provoque avec la comparaison aux Vampire Weekend. Chris répond dans un sourire taquin : « Je crois qu’ils ont juste envie d’être comme nous. » Une fois passé les analogies évidentes comme le fait que les deux groupes proviennent de Brooklyn, Chris se fait plus sérieux : « Je pense que même si l’afro-beat est un son qui nous a intéressé et que l’on a exploré aussi, ça reste leur marque de fabrique. » Anand renchérit : « Quand je les écoute, ils me rappellent plus le style années 1950… un peu comme Frankie Valli. » Là-dessus, Chris chante ‘Big Girls Don’t Cry’. Anand reprend : « Un peu comme Dean Martin couplé avec de l’afro-pop. Pour moi ce qui véhicule la majorité des émotions et de la nostalgie que l’on peut éprouver quand on écoute un album, c’est la voix. Si quelqu’un n’aime pas la voix de Chris [le dit Chris s’exclame : « Quoi ? Qui c’est ? Donne-moi son nom!! « ] je pense que c’est la raison la plus légitime pour jeter l’album. Je ressens la voix de Chris comme un son plus dynamique, plus riche, très eighties bourru dans un sens. »
« Le plus important est de faire quelque chose de nouveau à chaque fois »
Je pense que c’est tout ce que je pourrais en tirer à ce sujet, j’enchaîne avec le nom du groupe, les Yeasayer disent-ils oui à tout ? Après la facétie de Chris qui s’exclame ‘Non’ directement, Anand concilie : « Je pense que ça colle. Dans un sens, on va dire ‘oui’ à plus de choses que d’autres groupes… il y a peu de genres musicaux et d’instruments que l’on se refusera à jouer. On est prêt à essayer plus de choses. » Parlons d’essayer de nouvelles choses, ils ont tenté de plonger un harmonium dans l’eau pour tester le son, ce à quoi Chris se plaint : « D’ailleurs maintenant, on va devoir ramener une baignoire en tournée. » Après ce trait d’humour, on part sur la discussion de la difficile opération du deuxième album.
Chris: « Le deuxième est plus couillu. Pour le premier on était en pleine expérimentation, tenter des sons auxquels aucun de nous n’avait pensé auparavant et avec toutes ces idées bizarres à savoir comment les réaliser. L’approche du second album est différente. C’est au travers des concerts et de notre envie d’explorer de nouveaux horizons musicaux qu’on en est arrivés à notre deuxième album. D’ailleurs à chaque fois qu’on fera un album, on veut qu’il soit radicalement différent. On risque de perdre des fans, on peut en gagner des nouveaux – le plus important est de faire quelque chose de nouveau à chaque fois. »
« On aime être différents ! Ca nous motive, ça nous inspire et nous rend heureux »
Anand : « Ce que je supporte pas c’est quand on est en concert et que je ressens une similarité entre nos chansons. Si on finit une chanson de la même manière que l’avant-dernière chanson dans le set, je me dis qu’on aurait pu être plus créatifs ! On s’efforce de le faire sur notre album et on veut faire de même en concerts. C’est pas uniquement pour être différents, c’est parce qu’on aime être différents ! Ca nous motive, ça nous inspire et nous rend heureux. »
Pour trouver ce nouveau son, les Yeasayer se sont en quelque sorte retirés dans un chalet.
Ira: On est restés proches de New-York et on avait l’électricité quand même, avec Internet et un lecteur DVD.
Chris : Mais sans micro-onde!
Anand : On s’est pas isolés, c’est pas comme si on se posait dans la nature pour méditer et au bout de trois heures on revient avec un nouveau son… On est tellement dependants de la technologie. Si on enregistre une chanson, et que ça nous rappelle un artiste, on se rue sur iTunes pour télécharger l’album.
Chris : D’ailleurs on a failli avoir une attaque pendant la panne d’électricité. On tient à notre électricité.
Anand : En plus on était foncedés, c’était terrifiant.
« Ce serait cool si les gens baisaient pendant nos concerts »
Pourtant quand j’ai visité leur site je suis tombée sur des gens nus, puis des sons très ‘nature’ : une cavalcade de chevaux, une cascade d’eau, les rires des enfants. Ce à quoi Chris répond : « Pour moi ça fait plus extraterrestre qu’autre chose – avec un aspect apocalyptique. Mais on est d’accord pour obtenir le plus de nudité possible, surtout chez les femmes. » Je continue dans mon impression d’image de Hippy véhiculée ; en effet, j’ai lu que les personnes qui ont assisté à vos concerts parlent de fortes vibrations et d’une expérience quasi-religieuse.
Les Yeasayer sont ravis : « On aime bien cette idée. On veut transporter les gens, qu’ils prennent leur pied. La réaction que l’on recherche serait une sorte de libération extatique ; maintenant si c’est une expérience orgasmique ou pas… »
Chris : J’adore toutes ces églises baptistes, avec ces évènement religieux où les gens se lâchent et crient, et pleurent… C’est exactement comme ça qu’un concert devrait se dérouler.
Anand : Comme des montagnes russes émotionnelles. On veut emmener les gens en voyage, en espérant qu’au bout du compte …
Chris : qu’ils fassent des bébés devant nos yeux! Ce serait cool si les gens baisaient pendant nos concerts.
Anand : Ou accouchaient…
Chris : On pourrait revenir jouer tous les neuf mois, pour que le cycle soit assuré. C’est le cycle de la vie ! Ouais, c’est vrai on est des putains de Hippy !!
Je finis en les interrogeant sur les rumeurs au sujet de la comédie musicale Break Line. Anand, modeste, s’explique : « C’est une comédie musicale que j’ai écris avec un ami un peu avant Yeasayer. D’ailleurs, pendant les premiers concerts on jouait des chansons tirés de la comédie musicale, jusqu’à ce qu’on écrive nos propres chansons. L’album est bientôt fini, on attend le bon moment pour le sortir. » Chris rajoute avec une pointe de fierté : « Y’a plein de guest stars! Les gars d’MGMT, Chairlift, Dirty Projectors, Man-Man… et Yeasayer ! C’est une énorme collaboration, un album vraiment cool ! »
Yeasayer – Ambling Alp