Vidéo : Florent Marchet – Freddie Mercury

Se souvenir des belles choses. Florent Marchet évoque un souvenir intime d'adolescence, une remembrance émouvante, le resurgissement d'un camarade qui l'a marqué et a peut être façonné en filigrane sa vie.

En écoutant Freddie Mercury, on repense au roman de Nicolas Matthieu, Leurs enfants après eux. On revoit notre adolescence, la 103 SP, les murs tenus, les premières cigarettes, les premiers émois, les Pygmalion qui sans le savoir ont bouleversé notre vie. Aldous Huxley écrivait que « les souvenirs d’un homme constituent sa propre bibliothèque. » Les souvenirs de Florent Marchet font assurément de belles chansons.

Freddie Mercury est extrait de Garden Party, le nouvel album de Florent Marchet à paraître le 10 juin 2022.

Discographie

Florent Marchet – Freddie Mercury

J’avais quinze ou seize ans
C’était la rentrée au lycée
Tu t’es avancé vers moi
Tu étais mince, assez grand
Tu m’as dit ton nom
Que tu venais d’arriver
Qu’avant tu habitais dans le nord
Pas très loin d’Arras
Le nom de la ville ne me disait rien
Je me rappelle de toi
D’une veste délavée, d’un jean un peu crado
Cheveux blonds assez longs
En tout cas pour un garçon

Au moment de la sonnerie
Tu m’as offert une Lucky
On est resté un peu à la grille à cloper, j’étais bien
Pour une fois je me sentais drôle
Parce que tu riais, d’ailleurs tu riais facilement
La main devant la bouche pour mieux cacher tes dents
Les autres ils t’appelaient John et aussi le beatnik
A cause de tes lunettes, elles étaient rondes et petites
Toi tu t’en foutais bien
Moi j’me disais ça y est, j’ai enfin trouvé un allié

On allait souvent chez toi, une cité HLM
Je me souviens d’un lac, de quelques immeubles
Et des types en jogging qui fumaient sur un banc
Chez toi ton père il parlait peu
Avec lui on buvait de la bière et du rosé
Achetés chez Lidl à deux pas de l’appart’
On passait des heures dans le canapé bleu tout défoncé
On partageait les écouteurs, Lou Reed, Sheller, Ferré
Presque aucun truc récent
Nick Drake évidemment

Le salon sentait bizarre
La levure ou le curry
Très souvent des odeurs de friture
C’est ton père qui cuisinait
J’me souviens il faisait même son pain
Tu habitais au rez-de-chaussée, ce n’était pas bien grand
Il faisait toujours sombre à cause des rideaux tirés
Ce n’était pas un problème, nous on aimait bien
Et on restait quand même

Pourtant avec ta mère ce n’était pas la fête
Elle criait tout le temps
Toi tu me disais, c’est rien
Quand t’es là, elle se retient
Ses yeux étaient bizarres
Couleur d’huitre, vert serpent
On aurait dit qu’elle était folle
Toujours un peu ahurie
D’ailleurs quand j’y repense elle était vraiment cinglée
Partout sur sa peau elle avait fait tatouer
Le nom et le visage de Freddy Mercury

Quand ta mère était là on se tenait à carreaux
Heureusement la plupart du temps elle dormait dans la chambre
Parce que toute la nuit elle était sortie au Pacific Club avec des amis
Toi tu savais bien qu’elle n’avait pas d’amis
Tu faisais comme si, d’ailleurs on n’en parlait pas
Parfois elle était gentille, elle venait s’assoir sur le canapé
Elle était maigre comme toi
Alors elle me fixait, moi je n’aimais pas tellement ça
Elle nous parlait de sa jeunesse
Ton père l’écoutait, il ne disait rien
Il avait pas intérêt
Je crois qu’il s’en foutait
Elle racontait toujours la même histoire
La rencontre dans un train avec un chanteur connu dans les années 80
Elle aurait pu le suivre pour de bon
Si ma mémoire est bonne c’était Yves Simon
Parfois moi je lui parlais mais pas trop longtemps
Un peu comme un défi, aussi pour être poli
J’faisais bien attention, fallait pas dire du mal de Freddy Mercury

Fin juin on n’avait presque plus cours
On est resté au bord du lac à boire des bières piquées au père
Je t’ai parlé de mes vacances à côté de Palavas
Tu m’as dit moi tu sais je n’ai jamais vu la mer et je ne sais pas nager
Pourtant Arras ce n’était pas bien loin de la Manche
J’étais aller regarder
Tu m’as dit justement que t’allais sans doute déménager
Retourner là-bas
Que ta mère elle s’en foutait si t’arrêtais l’école
Qu’elle voulait que tu restes avec elle
Mais que toi tu donnerais cher pour aller à la fac
Quitte à trouver un petit boulot
T’avais pas l’air en forme
J’ai rien dit, j’ai regardé ton front, t’avais un bleu énorme

Deux jours plus tard, ta mère a lancé une cafetière brulante sur ton père
C’est passé à ça de ton visage, il y avait des éclats de verre partout
Elle disait que ton père était minable, qu’elle n’aurait jamais du avoir de gosse
Qu’elle allait se foutre en l’air, se jeter sous un train
Elle a balancé une chaise par la fenêtre, aussi des assiettes, des dictionnaires, des encyclopédies
Tout ce qui lui tombait sous la main
Elle a griffé ton père, à la joue, sur le bras
Toi ça te faisait rire de me raconter cela
Elle avait dit aussi qu’elle communiquait avec lui, qu’elle voyait son esprit
Que jamais il serait devenu PD s’il l’avait rencontrée
Elle parlait bien sûr de Freddy Mercury

Le lendemain j’ai sonné chez toi mais personne m’a ouvert
Derrière la porte, ta mère qui hurlait et le musique à fond
Elle me traitait de pédale, tout cela se mélangeait, les cris, Bohemian Rhapsody
Alors, j’suis reparti, j’ai traversé la cours
J’ai marché pas longtemps jusqu’à l’abribus et tu m’as rattrapé
T’en fais pas, reviens dans deux jours, le temps qu’elle se calme
Tu m’as dit ça et je suis sûr que si tu avais pu, t’aurais pleuré dans mes bras

Ensuite silence radio, à l’époque on n’avait pas de portable, seulement un fixe, parfois un répondeur mais là ce n’était pas le cas
J’appelais tous les jours, le matin, le soir, ça sonnait dans le vide
Début juillet avant Palavas, j’suis passé devant l’immeuble, devant le numéro 12
Les stores étaient baissés, la sonnette marchait plus et sur la boite aux lettres, y’avait même plus ton nom.

Je ne t’ai jamais revu et des années après je pense encore à toi
A ton jean délavé, à ton corps efflanqué, à ton rire, à la musique qu’on écoutait
Aucune trace de toi, nul part
Pourtant j’ai cherché, ouais, j’ai cherché
Mais où que tu sois, je pense souvent à toi
T’es vivant comme ça
T’es vivant comme ça
Et quand j’écoute la voix de Freddy Mercury, promis, je me moque pas
Promis, je me moque pas

Florent Marchet - Garden Party 2
Florent Marchet - Garden Party 2
  1. De justesse
  2. La vie dans les dents
  3. Paris Nice
  4. En famille
  5. Comme il est beau
  6. Créteil Soleil
  7. Loin Montréal
  8. Freddie Mercury
  9. Les amis
  10. Cindy
  11. L'éclaircie ou l'incendie
  12. Lindbergh-Plage
  13. Le Dakota
  14. Quand il te réveillait
  15. Les gens du métier
  16. L'éclaircie ou l'incendie - Edit

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...

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