Des visages, des figures, des regards, Rosemary, Dom, Emma, Julia, Willow, Alma, Thomas et Purcell. Kundera décrit dans L’immortalité, « Solitude : douce absence de regards. » Et pourtant que d’histoires dans chacun des regards croisés sur un quai, un escalator, une rame bondée. On se regarde souvent sans se voir dans les transports en commun, pourtant parfois on imagine d’autres transports, amoureux ou amicaux. Mais avec en plus l’immense Purcell dans les oreilles et les bulles de Vincent Wüthrich, on est transporté dans un cocon douillet même si empli de cette complainte élégiaque. Il faut regarder ces yeux dans le vague (à l’âme), ces gens qui se regardent mais ne se voient plus et parlent parfois seuls, « éloignés du monde et du bruit », nous tous coincés dans notre bulle, ces paroles perdues. Il faut donc écouter Bird On A Wire pour briser la solitude grandissante en période de « fêtes », écouter l’immense Philippe Jaroussky et finalement faire le pont, du baroque à Lennon avec le séraphique Oh My Love.
« Ici repose Henry Purcell, qui a quitté cette vie et est parti pour ce lieu béni qui est le seul où son talent puisse être surpassé. » Épitaphe sur la tombe de Purcell (1659 – 1695) enterré près de l’orgue de l’abbaye de Westminster, Londres.
Discographie
Birds On A WireBird On A Wire – Ô Solitude
Philippe Jaroussky – O solitude, my sweetest choice
Ô Solitude
Première strophe, une partie de la troisième et dernière strophe
Poème de Marc-Antoine Girard de Saint-Amant (1617)
Ô que j’aime la solitude !
Que ces lieux consacrés à la nuit.
Éloignés du monde et du bruit,
Plaisent à mon inquiétude !
Ô que j’aime la solitude !
Mon Dieu ! que mes yeux sont contents
De voir ces bois, qui se trouvèrent
À la nativité du temps,
Et que tous les siècles révèrent,
Être encore aussi beaux et verts
Qu’aux premiers jours de l’univers !
Que je prends de plaisir à voir
Ces monts pendants en précipices.
Qui, pour les coups du désespoir.
Sont aux malheureux si propices.
Quand la cruauté de leur sort.
Les force à rechercher la mort.
Oh ! que j’aime la solitude !
C’est l’élément des bons esprits,
C’est par elle que j’ai compris
L’art d’Apollon sans nulle étude.
Je l’aime pour l’amour de toi,
Connaissant que ton humeur l’aime ;
Mais quand je pense bien à moi.
Je la hais pour la raison même :
Car elle pourrait me ravir
L’heur de te voir et te servir.
Ô que j’aime la solitude !