Vidéo : Charles-Baptiste – Meurtre Monstrueux

Pour les non bilingues ou pour les fainéants, Charles-Baptiste adapte en français et au piano le récent Murder Most Foul, chef d'oeuvre de Bob Dylan. Et en plus d'être bouleversant et éclairant cela change des concerts conconfinés.

Dylan est bien sûr hors concours. Il n’avait pas sorti de chanson originale depuis Tempest avec déjà un titre fleuve de 14 minutes. On pourrait aussi rapprocherMurder Most Foul du Crucifixion de Phil Ochs par sa thématique. Ce qui est sûr c’est que ce jeune homme de bientôt 79 ans continue à surprendre, à émouvoir, à interroger. Et on n’est pas les seuls à être chamboulé. Charles-Baptiste explique :

« Comme beaucoup, la chanson de Dylan m’a profondément touché. La pureté, la lenteur, la force de chaque phrase, fluide, définitive cinématographique, et puis la dimension spectrale de l’arrangement (qui n’est pas sans rappeler les derniers disques de Leonard Cohen avant sa mort, d’ailleurs, quelque part), et enfin cette litanie de références, comme un cabinet de curiosités intime, pour certaines perceptibles, d’autres très obscures. C’était comme si le Maître essayait de nous dire quelque chose en cette période de trouble et d’interrogations profondes. Confiné, reclus, sans matériel d’enregistrement et ne désirant pas en commander sur le web pour ne pas encombrer les canaux, il m’est venu l’envie de me plonger à corps perdu dans la compréhension du texte, comme on chercherait refuge dans un monde imaginaire, celui-ci ayant l’avantage de s’affranchir des écrans. Pour cela, j’ai longuement échangé avec un éminent traducteur de poésie (notamment de René Char) et exégète de Bob, relu du Hamlet, découvert des bluesmen oubliés, flippé grave sur les théories conspirationnistes autour de Kennedy… et puis je me suis dit qu’un hommage était en train de prendre forme, avec uniquement les moyens du bord : le micro intégré du Mac et Garageband. D’où le piano. D’où la one take, la prise unique. »

Discographie

Les temps sont en train de changer ? There’s a battle outside and it is ragin’, it’ll soon shake your windows and rattle your walls for the times they are a-changin’ comme un avertissement une (dernière) fois encore à nos futiles édiles.

Charles – Baptiste – Meurtre Monstrueux (French adaptation of Bob Dylan’s Murder Most Foul)

Meurtre Monstrueux

Un jour sombre à Dallas, novembre 63
Un jour infâme dont on se souviendra
President Kennedy était à son sommé
Une belle journée pour vivre, belle journée pour crever
En route pour l’abattoir tel l’agneau sacrifié
Attendez les gars, vous savez à qui vous parlez ?
Bien sûr qu’on sait, ça on sait qui vous êtes !
Il était encore dans la caisse quand ils ont visé la tête
Abattu comme un chien en pleine lumière
Tout est question d’timing, l’timing était super
Faut toujours payer ses dettes, c’était l’heure de régler
On va t’tuer avec la haine, et sans aucun respect
On va s’foutre de ta gueule, on va te l’mettre sous l’nez
On a déjà quelqu’un qui veut bien t’remplacer
Quand ils ont explosé la cervelle du roi
Personne n’a rien vu, tout l’monde était là
C’t’arrivé si vite, si vite et par surprise
Devant des milliers d’gens, pile à l’heure exquise
Un sacré tour de magie, du jamais vu sous l’soleil
Exécution parfaite, une pure merveille
Et le disque tourne comme un cercle vicieux
Tourne tourne tourne, c’est un meurtre monstrueux

Taisez-vous, les enfants, un jour vous comprendrez
Quand les Beatles arrivent, j’vous laisse imaginer
Tu glisses le long d’la rampe, t’attrapes ton p’tit manteau
Oublie pas d’dire merci, puis tape fort où il faut
Trois clochards traversent, les fringues en lambeaux
Les drapeaux sont en berne, on ramasse les morceaux
Moi j’vais à Woodstock, on est tous des hippies
Puis cap sur Altamont, juste en-d’ssous des amplis
Sors la tête par la f’nêtre pour voir
Y’a une fête qui s’prépare derrière le miroir
D’abord les briques, ensuite le ciment
Vous pourrez pas dire qu’Dallas vous aime pas, Monsieur le Président
Tout roule, tout coule, pile à la bonne vitesse
Jusqu’au Triple Underpass j’vous en fais la promesse
Et les chanteurs blancs se maquillent en noir
Mieux vaut raser les murs quand descend le soir
Dans l’quartier des putes, un flic fait sa ronde
Pour les griffes de la nuit, il suffit d’une seconde
Si tu vas à la foire, cache bien ton pognon
L’Etat peut pas tout pour toi mon mignon
Ici on paie cash, ça brûle les poches
Dealey Plaza à gauche, faut pas rater l’coche
Arrivé au carrefour, moi j’ai rendez-vous
Là où la foi l’espoir et le coeur se r’trouvent à genoux
Shootons-le tant qu’il court, shootons-le tant qu’on peut
Mais l’homme invisible, lui, tu l’auras pas mon vieux
La bise à Charlie, la bise à l’Oncle Sam
Franch’ment Madame Scarlett, bien à mon grand dam
Où est la vérité, qu’est-ce qu’on en a fait ?
Ça, Oswald et Ruby, pourraient ptêtre en parler
Le plus sage c’est d’se taire, et de fermer les yeux
Le business c’est l’business, et c’est un meurtre monstrueux

On écoutait Tommy, on passait Acid Queen
Dans la longue noire Lincoln limousine
Sur la banquette arrière à côté de ma femme
Direction l’au-delà, en avant pour le drame
V’là que j’penche sur la gauche, j’m’écroule côté siège
Comment c’est possible, de tomber dans ce piège
On est sans foi ni loi, cherche pas on s’connait pas
Mais là on est juste en bas, oui juste en bas d’chez toi
Ils mutilèrent son corps, et ils ouvrirent son crâne
Y’avait pas mieux à faire, un pur acte profane
Mais son âme n’était pas où elle aurait dû s’trouver
Et cinquante ans plus tard, ils continuent d’chercher
Liberté, liberté, oh liberté chérie
Seuls les morts sont libres en vrai mon ami
Donne-moi de l’amour, mais ne me ments pas
Jète l’arme dans l’caniveau, et ne te r’tourne pas
Wake up petite Susie, toi et moi on part faire un tour
Et promis c’est promis, tout s’arrangera un jour
Allume la radio, touche pas les réglages
C’est par où les urgences, j’ai plus l’son ni l’image
J’me sens bizarre, j’ai du plomb dans l’aile
Plus exactement du plomb dans la cervelle
Tiré comme un pigeon, un peu voyageur
Moi qu’ai jamais tiré sur personne, parole d’honneur
Le sang coule sur mes yeux, j’en ai plein les oeillères
Dire que j’y arriverai jamais, à cette Nouvelle Frontière
J’ai bien maté l’footage qu’on a de Zaprudeur
J’l’ai vu au moins trente fois, j’ai pas compté les heures
C’est vil, c’est cruel, c’est bête et méchant
La pire horreur de tous les temps
Ils ont tiré une fois, ils ont tiré encore
Ils ont tiré pour être sûr qu’il soit mort
Et ce jour-là quelqu’un m’a dit
« L’âge de l’antéchrist, c’est maintenant, mon ami. »
Air Force One au rapport pour la suite
Johnson prêta serment à 2h38
Bientôt tu arrêt’ras d’vouloir comprendre, mon vieux
Y’a rien à dire, c’est un meurtre monstrueux

Quoi de neuf, Pussycat ? Qu’est-ce que t’en dis ?
J’en dis qu’on vient d’déchirer l’âme de ce pays
Qu’c’est l’début d’un déclin qui va durer
Qu’on est le surlendemain du Jugement dernier
Et Wolfman Jack, le DJ lui, il connait tout ça
Oh oui raconte-nous même si tu sais pas
Mets-nous un tube, allez Wolfman Jack
Mets-nous un tube pour ma Cadillac
Les meilleurs partent toujours en premier
Regarde Lennon, Morrison, Hallyday
Mets-nous Hey Joe et toutes les chansons
Y’a qu’à se souvenir, y’en a des millions
Mets du Etta James, celle où elle voit plus rien
Mets ça pour celui qui entend plus bien
Mets du John Lee Hooker, mets « Back to black »
Pour le taulier du strip-club, qui s’appelle Jack
Et quel génie ce Guitar Slim
Mets-ça pour moi et pour Marilyn

Mets les Animals, mets un truc ancien
C’est pour la Première Dame, elle se sent pas bien
Mets du Don Henley, mets du Glen Frey
Histoire qu’on plane haut, histoire qu’on soit high
Oublie pas Carl Wilson surtout
Même si c’est loin Gower Avenue
Mets une balade, mets les Platters
Mets Let it Bleed et puis les Drifters
Mets-nous Freddie Mercury
Another one bites the dust Bohemian Rhapsody
Et quand il descend la rue , c’est la vie en rose
Le voilà qui s’arrête, attends qu’sa tête explose
Mets « Mystery Train » pour le grand mystère
D’façon tôt ou tard, on finira sous terre
Mets-la pour le pasteur, mets-la pour le prêtre
Mets-la pour tous les chiens qui n’ont pas de maître
Mets Oscar Peterson, mets Stan Getz
Mets Gainsbourg et son eau de Seltz
Mets Miles Davis, Thelonious Monk Art Pepper
Mets John Coltrane et Charlie Parker
« All that jazz » Lizza Minelli
T’as forcément kekchose de Françoise Hardy
Mets Buster Keaton, mets Harold Lloyd
Mets Butsy Siegel, mets Pretty Boy Floyd
Mets du connu et du moins connu
Mets « Cry me a river » qu’on en puisse plus
Mets-nous la neuf, mets-nous la six
Mets-la pour Lindsey et Stevie Nicks
Mets Nat King Cole, mets « Nature Boy »
Mets ce film où Brando s’app’lait Malloy
Mets Muddy Waters, mets Memphis Slim
Y’a des millions d’gens qui ont l’oreille fine
Mets le Marchand d’Venise, pour les marchants d’sommeil
Mets Warren Zevon pour qu’il les réveille
Pas d’souci, Monsieur l’Président, les secours sont en ch’min
L’addition est lourde, bientôt vos frères s’ront dans le coin
Dans l’coin, comment ça ? De quoi parlez-vous ?
Dites-leur qu’on les attend, qu’on est prêt à tout
C’est à Love Field que l’avion atterrit
Mais jamais vraiment l’avion n’est r’parti
C’tait impossible d’enchaîner après ça
Pour le faire oublier, l’aurait fallu brûler l’endroit
Mets Nina Simone, mets du Cole Porter
Mets du Carmichael et puis Chet Baker
Mets Randy Newman, mets celle sur la bombe
C’est pour Houdini qui s’retourne dans sa tombe
Mets Jelly Roll Morton, mets BB King
Mets le discours de Martin Luther King
Mets la Grande Sonate, celle au Clair de Lune
Et une de Clapton si doit en rester qu’une
Mets-nous Jeff Buckley, Hallelujah
Leonard m’en voudrait, la mort viendra
Mets n’importe quoi, pourvu qu’ce soit fameux
Mets l’drapeau des Confédérés, mets « Meurtre monstrueux ».

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...

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