Grand Blanc vient de Metz où « il fait nuit très tôt, y’a rien à faire alors du coup on faisait des soirées complètement merdiques dans lesquelles on buvait des bières. » On est ni dans P’tit Quinquin ni dans Gummo mais l’on sent que l’urgence des mots est née de ces immeubles, de ces pavillons, de ce mitage urbain, de cette désindustrialisation qui créent un entre deux désenchanté.
Ce Degré Zéro est un acte de naissance. Bien sûr, il y a eu d’autres morceaux avant lui mais il y aura un avant et un après Degré Zéro. Poisseux, tendu, sourd, le son de Grand Blanc est comme cette lumière aveuglante qui nous guide pour sortir du tunnel avec cette envie irrépressible de prendre sa voiture et de rouler sur l’autoroute à tombeau ouvert pour ressusciter les morts. Cette corne de brume électronique lancinante, cette sirène de paquebot perdu dans la nuit se transforme peu à peu en rythme mid tempo hypnotique. Puis surgit ce refrain, descente chromatique mélancolique comme on engloutit d’un trait une binouze pour nous conduire à l’ivresse des sens.
Discographie
Grand BlancMais les mots ont bien sûr leur importance, ils zèbrent ce ciel laiteux de fulgurances poétiques « il n’y a plus rien à boire dans mon cœur comme un frigo, passion normale degré zéro » ou d’allitérations qui claquent, « parmi les photo matons, ton souvenir matraque, tu te rappelles à coups de trique au fond des culs de sac« . Ce morceau n’est pas vraiment un duo, Camille tient le chant et le tient bien, fermement, crânement, avec morgue et hargne pendant que la voix sombre de Benoît au regard halluciné est un contrepoint salvateur, une fenêtre vers un ailleurs moins maussade. Avec ce Degré Zéro, le froid revigore la pop en français et Grand Blanc prend des couleurs.
Le EP Degré zéro est à écouter d’urgence, il est disponible chez Entreprise.
Grand Blanc – Degré zéro
Grand Blanc - Degré zéro